Chaque année, la « fête des morts » me trouve hésitante au seuil des cimetières. Je n’appartiens pas au clan des endeuillés professionnels ; je n’assiste pas aux inhumations, encore moins aux crémations de mes amis. Je me borne à rester fidèle à leur souvenir ; moi vivante, ils le seront aussi.
Par Marie H.
Cette année, fleurs en main, je m’étais promis d’aller les visiter. J’avais acheté un superbe camélia blanc et plusieurs pots de chrysanthèmes d’un beau rose fané. La veille le couperet du deuxième confinement est tombé. La confinée temporaire n’ira pas saluer les confinés définitifs aux cimetières de la périphérie.
Enfants, les mois de novembre, nous arpentions les cimetières, un par dimanche. C’était la tradition, pas question d’y échapper. La saison était brumeuse, un peu mélancolique. Nous avancions doucement dans les allées en chuchotant. Nous déchiffrions les épitaphes, certaines nous enchantaient. Les tombes d’enfants garnies d’angelots nous attendrissaient et nous faisaient réfléchir : il n’était donc pas nécessaire d’être vieux pour mourir ? L’âge venant j’ai renoncé à ce tourisme funèbre. Je suis maintenant plus près des chrysanthèmes que du bac à sable. L’Ecclésiaste m’a éclairée : « tu es poussière et tu redeviendras poussière », d’où l’importance du plumeau, me souffle un humoriste oublié.
Mes amis morts ne me garderont pas rancune, ces fleurs iront faire la joie d’amis vivants. Tout bien pesé le ciel peut attendre, les morts aussi.