Qui a dit que le tricot était une activité ringarde de femme au foyer ou de grand-mère ? Certainement pas les jeunes femmes qui redécouvrent les bénéfices – tant écologiques que thérapeutiques – du tricot. Ce qui réjouit la fervente tricoteuse, Claudie.
Par Claudie Perrot
Dans l’imaginaire populaire, le tricot véhicule une image ringarde et peu valorisante. On oublie, trop souvent, qu’au début du 20ème siècle, tricoter (des chaussettes, des gilets, des pulls etc.) était une activité nécessaire dans les familles. Après mai 68, tricoter a même été associé au statut de femme au foyer. Moins sédentaires que leurs aînées, séduites par la vie active, beaucoup de post-soixante-huitardes ont alors délaissé cette activité, qui est apparue comme démodée. Il y a peu de temps encore, trouver des vingtenaires parmi les tricoteurs était mission impossible, mais voilà que les jeunes passent à nouveau les portes des magasins de laine. Durant le confinement, beaucoup de femmes se sont adonnées aux travaux manuels et ont, grâce aux tutos de tricot glanés sur internet, redécouvert la pratique de la maille à l’endroit et de la maille à l’envers. Les torsades n’appartiennent plus aux grands-mères ! Les jeunes y goûtent avec d’autant plus d’enthousiasme que les possibilités de points de tricot, de motifs et de formes tricotées, sont immenses. Ça leur promet de ne pas être obligés de porter les mêmes vêtements que tout le monde.
Bref, tricoter n’est plus ringard. L’activité serait bonne pour le corps et pour esprit. Cette suite de petits gestes tranquilles et répétitifs favorise l’apaisement et la réflexion ; l’apprentissage de nouvelles techniques sollicite la mémoire ; la création d’un ouvrage tricoté apporte de la satisfaction et renforce la confiance en soi. Tricoter serait un véritable yoga du cerveau qui ferait, d’ailleurs, diminuer le rythme cardiaque !
Sans oublier que cela rend heureux. Actuellement, je tricote pour mon arrière-petit-fils dont la naissance est proche. Cette enveloppe de laine que je lui fabrique, qui lui apportera douceur et chaleur, me permet d’imaginer ce bébé, de le rêver… C’est irremplaçable pour moi.
Tricoter peut aussi revêtir une dimension politique. Tricoter ses vêtements soi-même, c’est se mettre en mode sobriété. Et c’est dire non à la consommation. Le « arm knitting », version XXL du tricot, qui se pratique sans les aiguilles, remplacées, comme son nom l’indique, par les bras, permet de confectionner des plaids, des poufs, une couverture pour son animal de compagnie.
En 2005, aux États-Unis, s’est créé un nouveau mouvement : le « yarn bombing » ou tricot de rue alliant « street art » et tricot. Cela consiste à recouvrir de tricot ou de crochet le mobilier urbain ou les troncs d’arbres pour mettre de la couleur dans les villes et les rendre ainsi plus humaines. De véritables œuvres d’art urbain ont aussi été réalisées dans plusieurs localités françaises, avec la participation active des habitants.
Et qui a dit que tricoter était une activité solitaire ? Il y a peu de temps, j’ai été sollicitée pour me joindre à un groupe de femmes qui s’est constitué pour des après-midis tricot-thé. Il s’agit d’un lieu de convivialité où l’on peut partager sa passion pour le tricot autour d’un thé ou d’un café. C’est aussi un atelier pour se retrouver et « nouer des liens ».
La preuve que tricoter peut être une activité sociale qui favorise les échanges et la transmission de savoirs. Dans une société où la nécessité d’être productif est prégnante, où tout est minuté, apprendre à prendre son temps, à apprécier le temps qui passe est un luxe gratuit. Alors, je l’affirme, le tricot n’est pas ringard.