La course de grands voiliers, la Tall Ships Race, qui rassemble des jeunes navigateurs, s’est élancée le 29 juin 2023 des Pays-Bas, pour un mois de navigation. Un mois après leur retour, 18 jeunes Normands se sont retrouvés pour un bilan. Martine Lelait a recueilli leurs souvenirs et sensations.
Par Martine Lelait
Le 23 septembre dernier, j’étais à Fécamp à l’occasion du week-end de retrouvailles et de bilan pour les 18 jeunes Normands ayant participé à la Tall Ships Race.
La Tall Ships Race (appelée autrefois Cutty Sark) est une prestigieuse course de grands voiliers, qui a pour ambition d’apprendre la navigation à des jeunes et de promouvoir l’amitié internationale.
Cette année, 84 voiliers, dont une bonne part revenant de l’Armada de Rouen, participaient à la course. Le Mil’Pat, petit nom du Michel/Patrick, ancien langoustier du Guilvinec remis en état pendant de longues années par un chantier d’insertion et appartenant à l’association Fécamp Vieux Gréements, était l’un des plus petits voiliers, voire le plus petit.
Quand, dans cette course internationale, les jeunes en général, paient pour participer, l’association fécampoise avait fait le choix d’un recrutement indépendant de la capacité financière des parents. Jean Becker, président de Fécamp Vieux Gréements, a expliqué que les 18 jeunes retenus, sur plus de 50 candidats, avaient été sélectionnés sur la seule base de leur motivation. C’est dire les trésors d’énergie dépensés par l’association pour trouver des partenaires, publics, privés, des entreprises, des associations, des particuliers, sans la participation financière desquels le projet n’aurait pu être mené à bien.
Ce sont donc 18 jeunes Normands âgés de 15 à 25 ans, 10 filles et 8 garçons, venant, qui d’Alençon, qui de Pont l’Évêque, qui de la région fécampoise, qui de Rouen, et ne se connaissant pas entre eux, qui se sont retrouvés au cours de trois week-ends d’intégration organisés depuis le mois de janvier pour se préparer à l’aventure.
Les jeunes se sont ensuite répartis en deux équipages de neuf, qui ont navigué en relais, du 21 juin au 7 juillet puis du 7 juillet au 4 août.
Le 23 septembre dernier, journée de retrouvailles et de bilan, les jeunes étaient heureux de revenir sur leur expérience.
Pour une aventure, ce fut pour tous une vraie aventure.
D’abord, il y a eu la tempête, rencontrée dès le départ de la course, à Den Helder, aux Pays Bas, qui a obligé le premier équipage à faire demi-tour, tant la navigation était dangereuse. Emma, qui tenait le quart de 3 à 6 heures du matin, se souvient des vagues qui passaient par-dessus le bateau. Une autre navigatrice a confié n’avoir jamais imaginé qu’elle aurait pu vomir 14 fois et a partagé la satisfaction éprouvée, une fois son mal de mer vaincu.
L’organisation de la vie quotidienne fut aussi une découverte avec la préparation des repas pour douze personnes, la vaisselle (lavée parfois avec l’eau qui a vu cuire les pâtes…), les gamelles de hachis parmentier éjectées du four lors de la tempête, la toilette avec des moyens rudimentaires et sans réelle intimité, les réveils nocturnes pour prendre son quart à la barre du bateau…Un ordinaire de bord pas ordinaire du tout pour les Terriens !
Lola, 18 ans, qui faisait partie du 2ème équipage (de Hartlepool au Royaume Uni à Fredrikstad en Norvège) a apprécié pour sa part ce sentiment d’être coupée du monde habituel : « Naviguer cinq jours durant en ne voyant que la mer, partout, à bâbord, à tribord, devant, derrière, rien que la mer, pas de réseau, pas de message, trop bien » a-t-elle précisé. Elle a exprimé aussi le sentiment de « zénitude » ressenti à l’arrivée en Norvège. Et son plaisir de rencontrer les jeunes des autres bateaux, essayant toujours de nouer le dialogue, malgré, parfois, le barrage de la langue. La fête était aussi au rendez-vous aux escales avec musique et chants.
Bobby, pour sa part, a dessiné un journal tout au long du périple et c’est une BD complète qu’elle est aujourd’hui en cours de finaliser.
Ces jeunes, qui, en janvier ne se connaissaient pas, ont, par cette expérience, noué des liens qui, on le sent, vont sans doute perdurer. Certains ont exprimé, d’ailleurs, la difficulté du retour, le sentiment de nostalgie voire de solitude, qui les étreint depuis qu’ils ne vivent plus avec le groupe. L’aventure les a transformés et fait grandir. Lola, en terminale au lycée Anita Conti à Fécamp, quant à elle, est assurément déterminée à devenir une navigatrice professionnelle. Et pour tous, on peut dire que c’est une immense fierté que d’avoir participé à cette course.