D’où viennent les idées d’articles ? D’une curiosité pour ce que vivent les autres, notamment ses enfants. Le fils de Claudie a accompagné des étudiants à un stage de laque à Hanoï. La curiosité de Claudie en a fait son miel.
Par Claudie Perrot
Les premières traces de l’utilisation de la laque au Vietnam remontent à environ 2500 ans. Cet artisanat typiquement vietnamien aurait été développé pour protéger les cercueils des dignitaires dans lesquels on a retrouvé des outils pour le travail de la laque et aussi des ustensiles de cuisine.
C’est entre le 17e et le 18e siècle que la laque connaît un plein essor, surtout au service de la religion à travers de nombreux objets de culte. Elle contribue aussi à la momification des moines bouddhistes.
Mais la laque vietnamienne s’est surtout renouvelée dans les années 1920-1930. La création en 1925 de l’école des Beaux-Arts d’Indochine, alors colonie française, a introduit une autre culture, la culture occidentale que l’on peut qualifier de « picturale » c’est à dire qu’elle devient moins utilitaire et plus décorative avec l’apparition de bibelots, boîtes et paravents. L’école des laqueurs de Hanoi a ainsi fait son apparition grâce aux efforts de jeunes étudiants vietnamiens de cet établissement.
Mais, pourquoi vous parler de l’histoire de la laque vietnamienne, me direz-vous ?
Il se trouve que mon fils va régulièrement au Vietnam. Dernièrement, il a accompagné un groupe d’étudiants vietnamiens et français pour un stage de laque à Ha Thaï, le village des laqueurs. Ce village, réputé depuis 200 ans, est situé à environ 20 km au sud de Hanoi.
En vietnamien, la laque se dit « son mai » ( prononcer maille), ce qui veut dire étaler et gratter.
Monsieur Tung, le professeur qui a accueilli mon fils et ses étudiants, est un artiste laqueur qui est venu s’installer au village, il y a 18 ans, afin de s’immerger dans cette culture traditionnelle après des études à l’école des Beaux-arts de Hanoi.
Il leur a expliqué les différentes étapes de la technique de la laque. La base de la laque est de la sève prélevée sur le laquier, comme on le fait avec le latex de l’hévéa. Une fois recueillie, cette sève brillante et collante, semblable à de la résine, est mélangée à du limon du fleuve Rouge. La première couche posée sur le support choisi est effectuée avec une laque très épaisse et condensée qui est entièrement recouverte d’un tissu fin, une sorte de gaze, qui permettra, après séchage et ponçage, d’obtenir un support sans aucune aspérité ni fissure. Sont appliquées ensuite, en respectant une période de séchage entre chaque couche, plusieurs couches de laque qui peuvent être colorées avec des pigments.
Grattage et polissage sont effectués à l’aide de papier de verre très fin et de l’écaille de seiche, d’où le nom vietnamien de « son mai » : étaler et gratter.
C’est au fur et à mesure des couches que les incrustations de nacre, de coquilles d’œufs de canard en raison de leur épaisseur et de leur blancheur, sont introduits. Il en va de même pour les feuilles d’argent et les dessins de paysages et de fleurs.
Les retouches se font jusqu’à la perfection et le polissage à la main avec de l’eau et du papier de verre jusqu’à un aspect parfaitement lisse.
Au moins 7 à 8 couches sont ainsi étalées sur chaque objet pour obtenir un fini permanent et brillant.
Monsieur Tung a emmené tous les étudiants dans les différentes maisons du village. Dans chaque maison, les travailleurs réalisent une étape de la fabrication. Les différentes œuvres passent ainsi de maison en maison jusqu’à l’objet fini.
Auparavant, 80 % des ménages fabriquaient de la laque. Malheureusement, ce processus traditionnel ne tente plus les jeunes générations. Afin de les inciter à rester et à continuer à développer la profession, le village organise des cours pour favoriser les connaissances, améliorer les compétences pour maintenir cet art traditionnel.