L’actualité est sombre et les bruits de guerre résonnent d’un peu partout. Marie voudrait s’attarder sur l’éclosion des jonquilles mais elle ne peut se détacher de la souffrance de ceux qui vivent sous les obus.
Par Marie H.
Peut-on encore rêver, dans ce monde devenu violent, instable, proche du chaos ? Dans ce monde envahi par la haine, où les forts écrasent les faibles sans état d’âme, en proclamant que c’est pour une juste cause ?
Aucune cause ne justifie les massacres de populations civiles. A l’Est, un mégalomane veut reconstituer un empire disparu à coups de bombardements, de viols et de tueries. Au Sud, deux fanatismes s’affrontent, tour à tour victimes puis bourreaux. Le sang appelle le sang, la violence entraîne la violence et la mort triomphe.
Quand les habitants de cette planète comprendront-ils qu’ils appartiennent à la même espèce, l’espèce humaine, embarquée sur le même bateau de la naissance à la mort ?
De nos enclos de privilégiés, beaucoup d’entre nous jettent un regard blessé, puis lassé, sur les désastres engendrés par nos semblables. Les massacres se multiplient mais sévissent loin de notre confort et ne troublent pas nos nuits. Nous avons oublié le bruit des bottes des vainqueurs sur nos trottoirs. Nos caves sont pleines de vins et de vieilles choses oubliées ; depuis longtemps, elles ne nous servent plus d’abri contre les bombes ; les hurlements des sirènes ne déchirent plus nos jours et nos nuits. Puissions-nous nous en réjouir encore longtemps. Il est si bon de vivre en paix. Mais au sein de cette paix, n’oublions pas ceux qui souffrent ce que nous avons souffert autrefois.
J’avais rêvé de vous parler de la venue du printemps, de la douceur de cette fin d’hiver où fleurissent jonquilles et primevères, mais ce matin, j’ai commis l’imprudence d’écouter la radio… Nous n’irons plus au bois, chantions-nous, enfants, les lauriers sont coupés… Hélas, beaucoup d’enfants n’iront plus au bois et ne chanteront plus.
J’ai éteint la radio et remercié l’ami qui avait inscrit sur mon portable cette phrase de Faulkner : « Entre le chagrin et le néant, je choisis le chagrin. »