Symbole du printemps, puis de l’amour, la fleur clochette au parfum subtil et doux s’est glissée jusqu’à la boutonnière des travailleurs. Remontons le temps, grâce au muguet.  

Par Françoise Samson 

Sur une foire à tout, en ce 1er mai sombre et pluvieux, c’est trempée et les pieds dans la boue que je me suis acheté deux petits bouquets de muguet pour me faire plaisir. Puis, j’ai reçu des messages fleuris de mes amis(es) sur mon portable et ma tablette. Que du bonheur ! Au point que je me suis posé la question : que célèbre réellement le muguet ? Le travail ou l’amour ? 
D’abord, il a célébré l’amour. 

Vers le 8e siècle avant notre ère, le 1er mai était le nouvel an celtique et le muguet un porte-bonheur. Les Celtes fêtaient Beltane ou Beltaine pour célébrer l’arrivée progressive de l’été et protéger le bétail et les cultures afin d’obtenir de bonnes récoltes.
Les druides allumaient des feux en hommage au dieu Bel, dieu solaire, à qui les hommes attribuaient le passage de l’hiver au printemps, de l’ombre à la lumière. Les habitants et le bétail sautaient au-dessus des feux. C’était aussi une fête de la nature et de l’amour car à cette occasion, les jeunes gens se rencontraient dans les bois et…cela finissait par des mariages ! Cette fête est encore d’actualité à Édimbourg (Ecosse).
Au 2e siècle de notre ère, à l’époque de la Rome antique, la floraison du muguet était mise à l’honneur durant les Floralies, la fête des fleurs et des courtisanes. Durant cinq nuits, à travers des jeux floraux, à caractère souvent licencieux, Flore, la déesse des jardins, du printemps et la fertilité était célébrée. 
Durant l’Antiquité, les hommes accrochaient un brin de muguet à la porte de leur fiancée. 
Au Moyen Age, le muguet symbolisait l’amour, car beaucoup de mariages avaient lieu en mai. Comme dans l’Antiquité, le prétendant accrochait un bouquet de muguet ou « may », symbole de pureté, sur la porte de la future mariée.
Mais au Moyen Age, en France, on offrait aussi un brin de « may » à son seigneur en signe d’allégeance.
A la Renaissance, en 1561, dans le Dauphiné, un chevalier offrit un brin de muguet à Charles IX. Le roi charmé en offrit aux dames de sa cour et dit : « Qu’il en soit ainsi chaque année ». Et il en fût ainsi parmi tout le peuple.
Fin 19e siècle, à Paris, les jeunes gens allaient « guincher » au bal du muguet, les garçons avec un brin de muguet à la boutonnière, les filles dans les cheveux.

C’est plus tard que le muguet s’est retrouvé associé au travail. Pour le comprendre, il faut revenir aux origines de la fête du travail. 
Même si elle a existé en France entre 1793 à 1806, grâce au dramaturge et homme politique révolutionnaire Philippe-François Nazaire Fabre d’Eglantine, qui en avait eu l’idée, la fête du travail célébrée le 1er mai date de 1890. Les congressistes de la Deuxième Internationale socialiste ayant décidé, en 1889, d’une journée de manifestation internationale ce jour-là. Leur objectif alors : affirmer qu’au-delà des frontières, les travailleurs ont des intérêts communs. La date du 1er mai fut retenue pour marquer la solidarité avec les cinq militants anarchistes exécutés à Chicago à la suite de la grève. En effet, le 1er mai 1886 à Chicago, 400 000 travailleurs des usines Mac Cormick (matériel agricole) se mettent en grève. Travaillant de 12 à 15 heures 6 jours sur 7 dans des conditions difficiles, ils réclament la journée de 8 heures. Le 4 mai, 3000 d’entre eux manifestent à Haymarket Square et font face à 180 policiers. Une bombe explose, un policier est tué.  Considérés comme des meneurs, 8 anarchistes sont arrêtés par la police et 5 seront pendus

Cependant les manifestations du 1er mai 1891 furent lourdement réprimées en France. Ainsi, à Fourmies, l’armée tira sur les ouvriers faisant dix morts et quatre-vingt blessés.
En France, le 1er mai est devenu journée chômée en 1919 sous le gouvernement de Georges Clémenceau. 
En 1941, le maréchal Pétain instaure officiellement le 1er mai comme fête du travail. Il remplace l’églantine rouge, qui se portait à la boutonnière ce jour-là, en souvenir du sang versé, par le muguet blanc. 
En 1949, le 1er mai, journée chômée, est payée. 
Aujourd’hui, le 1er mai est un jour férié dans 24 des 27 pays de l’Union Européenne et dans 163 pays sur 195. Merci à tous ceux qui se sont battus pour des meilleures conditions de travail, les 8 heures et le 1er mai chômé et payé ! Nous sommes passés des 48 heures aux 35 heures. Merci à celles et ceux qui continuent à défendre les travailleurs.

Le 1er mai avec sa fée Clochette est bien la fête de l’amour et du travail