Le climat politique de ces dernières semaines préoccupe les résidents de la résidence Trianon de Rouen. La haine et le racisme semblent se banaliser. Indépendamment des résultats des élections législatives, l’espoir de voir la situation s’apaiser semble fragile.
Revue de presse à la résidence autonomie du Trianon à Rouen.
Étaient présents : Christine, Daniel, Evelyne, Jean, Joelle, Luce, Marie-Claude, Martine, Moustafa, Odette, Odile, Patrick, Pierre, Thierry et Helena, animatrice.
Thierry : J’ai vraiment été choqué par cette photo d’une députée du Calvados portant une casquette de sous-officier nazi. Certaines personnes ne font preuve d’aucune retenue. Visiblement, cette députée a été mise à l’écart de son parti, le Rassemblement National. Hélas, les initiatives aux relents racistes deviennent de plus en plus fréquentes et particulièrement à l’extrême droite.
Odile : Pour moi c’est assez insupportable, j’ai encore des souvenirs tellement vifs de l’occupation nazie. J’ai vécu l’exode dans une charrette, ma sœur a été prise en otage par des soldats allemands. Ce sont des moments que l’on ne peut pas prendre à la légère. Personnellement, je ne suis jamais parvenue à pardonner et j’estime que ceux qui réveillent ces souvenirs devraient faire plus attention.
Daniel : Ces allusions au nazisme sont devenues plus fréquentes depuis la guerre en Ukraine.
Jean : Les jeunes ont pris du recul par rapport à ce qui s’est passé durant la 2nde Guerre Mondiale, ils en saisissent moins la portée. Certains considèrent que, 80 ans plus tard, on ne fait qu’entretenir de vieilles rancœurs, d’autres ne se sentent même plus concernés ; mais si l’on néglige ce qui s’est passé, tout peut recommencer comme avant.
A travers un certain nationalisme, on voudrait oublier que des français aussi ont participé à des actes inexcusables durant la guerre. Dans quelques années, les archives seront accessibles et l’on pourra savoir qui a fait quoi, qui a spolié des familles juives par exemple. On ne pourra plus nier l’évidence.
Luce : A Rouen, un bar associatif a organisé une soirée intitulée « Les étrangers dehors ». Le titre était en allemand et le programme annoncé était clairement porteur de relents xénophobes. La mairie a voulu la faire annuler mais finalement l’association a renoncé de son propre chef car beaucoup d’opposants à cette réunion avaient prévu de manifester leur désapprobation.
Ces initiatives se multiplient. L’autre jour à Paris, une manifestation a réuni un groupe de personnes cagoulées arborant des croix gammées, c’est de la folie.
Pierre : Aujourd’hui la violence d’extrême droite s’affiche et ça fait peur. Je suis très inquiet.
Marie Claude : Pour lutter contre la montée de cette haine, le mieux est sans doute de refuser de se laisser absorber par elle et de privilégier le débat et l’éducation.
Dans ma jeunesse, j’ai tellement entendu dire qu’il fallait faire ami-ami avec les allemands que jamais il ne m’est venu à l’idée d’éprouver de la haine vis-à-vis d’eux. On a également eu la possibilité d’apprendre l’allemand à l’école quelques années à peine après la guerre. Cela a permis un certain rapprochement.
Jean : On peut aussi exprimer ses désaccords tout en se respectant. Mon père est revenu avec une jambe en moins de la guerre, il n’a jamais détesté les allemands pour autant. Il se disait qu’avant d’être blessé, lui aussi avait tiré sur des soldats adverses.
Odile : Le chanteur Gérard Lenormand est un enfant de la guerre dont le père était un soldat allemand qu’il a réussi à retrouver. Lors de leur première rencontre, son père ne savait pas trop ce que ce fils inconnu attendait de lui. Gérard Lenormand souhaitait simplement connaitre son père sans aucun esprit de revanche.
Pierre : Mais la haine aujourd’hui, concerne bien d’avantage les arabes, les noirs, les homosexuels et d’autres minorités, je ne comprends pas pourquoi.
J’ai travaillé dans le Sahara algérien dans le domaine de la recherche nucléaire. On travaillait avec des algériens et tout se passait très bien. Il y avait des liens amicaux entre nous. A l’époque, on n’était pas trop regardant sur l’impact environnemental des essais nucléaires et quand la France est partie, elle a laissé derrière elle un territoire pollué. Il y avait de l’amitié entre les gens mais au niveau de l’état, on n’a pas fait preuve d’un grand respect. C’est un différend qui demeure entre nos deux pays. Je pense que les gens sont faits pour s’entendre mais que les conflits entre les peuples sont davantage générés par les états et par les religions aussi.
Marie Claude : Les minorités sont plus visibles depuis quelques années et tout particulièrement les minorités sexuelles dont on entend davantage le combat. Cette exposition n’est pas bien vue par tout le monde et certaines personnes se braquent et pensent qu’on les voit trop.
Luce : Pour lutter contre la haine, on dispose d’un outil qui s’appelle le vote.
Thierry : L’abstention a bien diminué pour ces législatives mais ce n’est pas miraculeux non plus ; le taux de participation reste inférieur à celui des années 80. Les gens s’intéressaient davantage à la politique à l’époque.
Daniel : Il est parfois délicat de parler politique. C’est souvent une source de dispute.
Patrick : Personnellement, je préfère être sourd que d’entendre parler de politique. Ce sont toujours les mêmes arguments qui ressortent. La dissolution décidée par Emmanuel Macron est devenue le seul sujet comme s’il n’y avait que ça qui comptait dans la vie des gens.
Marie Claude : Bien souvent, les discussions politiques enveniment les relations. Au niveau national, certains responsables essayent de montrer qu’ils sont tolérants et affirment qu’ils travailleront avec des opposants « raisonnables ». Jordan Bardella parle ainsi de « gauche raisonnable ».
Thierry : Je ne crois pas du tout à la sincérité de ces gens-là. C’est quoi la gauche raisonnable pour l’extrême droite ?
Daniel : Pour la plupart de ces dirigeants, être raisonnable signifie que l’on pense comme eux.