Pourquoi certains parents se détournent-ils de l’école publique et inscrivent leurs enfants dans une école privée ? Thésy fait le point et témoigne du choix qu’elle a fait pour sa fille, autrefois.
Par Thésy Bionnier.
Dans quelle école scolariser ses enfants ? Parfois, pour les parents, c’est un choix difficile. Avant de parler de mon expérience personnelle, je crois nécessaire de faire le point sur le système éducatif français. L’école publique de la République coexiste avec des établissements privés, soumis au contrôle de l’État et pouvant bénéficier de son aide en contrepartie du respect d’un contrat signé (loi Debré du 31 décembre 1959 sur la liberté de l’enseignement et les rapports avec l’enseignement privé). Ce contexte s’explique par le fait que la laïcité est le fondement du système éducatif français depuis la fin du 19ème siècle (lois du 28 mars 1882 et du 30 octobre 1886). Ces lois ont été suivies par celle du 9 décembre 1905 instaurant la laïcité de l’État. Concrètement, cela signifie que les programmes de l’école publique ne dispensent pas d’instruction religieuse, que les enseignants et le personnel administratif y travaillent dans le respect de la laïcité et que le prosélytisme religieux y est interdit.
A la rentrée scolaire 2024, la France comptait 12 millions d’élèves, primaires et secondaires confondus. L’école publique primaire a accueilli 86,6% d’entre eux et l’école publique du second degré 79%. Ces pourcentages varient selon les territoires. Dans l’Ouest de la France, par exemple, l’école privée catholique attire davantage. Pour certains parents, ceux qui ont des convictions républicaines ou religieuses, le choix entre l’école publique ou privée s’établit de façon claire et nette. D’autres se trouvent dans une situation qui ne leur permet pas de choisir ou alors ils choisissent l’école privée par dépit, après une mauvaise expérience.
Si je me réfère à mon expérience d’ancienne élève, je dois dire que je me suis retrouvée dans le privé parce que dans mon village, il y avait une école primaire privée pour les filles et une école primaire publique pour les garçons. Toutes mes études se sont déroulées dans le privé alors que mes frères sont allés dans le public. Mes parents n’avaient pas eu le choix et comme ils avaient été satisfaits des deux enseignements, ils ont continué ainsi pour le cycle secondaire.
En tant que maman, je me suis beaucoup impliquée dans le cursus scolaire de mes enfants. Mon fils a fait toutes ses études dans le public : le primaire en banlieue et le secondaire à Paris. Durant le primaire, j’étais présidente de l’association des parents d’élèves et j’ai toujours eu d’excellentes relations avec les parents et les enseignants. Ces derniers étaient à l’écoute et répondaient favorablement à nos demandes, entre autres, une meilleure surveillance de la cantine et des récréations, moins d’exigence quant aux fournitures scolaires à chaque changement de classe. Ayant déménagé à Paris, le secondaire de mon fils s’est effectué dans le public sans aucune difficulté, tant sur le plan de la discipline que sur le plan de la qualité de l’enseignement.
Ma fille, de 9 ans plus jeune que son frère, a effectué toute sa scolarité à Paris et j’ai été régulièrement élue « déléguée de parents ». Son primaire dans le public s’est plutôt assez bien déroulé. Mais heureusement que son institutrice de CM2, qui était près de la retraite et dont l’enseignement était très classique, avait pu rattraper tous les manques accumulés les années précédentes.
Le passage en sixième, toujours dans le public s’est avéré plus difficile. Nous n’avions pas eu le choix du collège à cause de la sectorisation. Toujours déléguée de parents, j’avais été mise en garde contre le professeur d’anglais bien que je ne souhaitais pas avoir d’à priori. Au bout d’un mois, le voici qui m’appelle pour me demander si j’étais satisfaite de son enseignement ! Je n’avais rien à dire, tout me semblait normal. Mais après les vacances de la Toussaint, plus de professeur. J’ai appris alors que cette situation se répétait chaque année. Comme il n’y avait pas de remplaçant, je suis allée voir la proviseure qui m’a dit : « Ce professeur est malade et je ne peux rien faire. Envoyez votre fille en Angleterre durant les vacances ». Je lui fis remarquer que puisque ce monsieur était souffrant et que cela se répétait depuis plusieurs années, il y avait une médecine du travail qui pouvait régler le problème. Ce qui fut fait.
A la demande des parents, j’ai dû intervenir aussi pour une professeure de français qui avait son cours le lundi à 8 heures, sauf qu’elle était régulièrement absente. La proviseure lui a fait part de ma démarche d’indignation. Le lundi suivant, elle était présente mais elle a interpelé ma fille devant toute la classe lui expliquant qu’elle ne s’occupait pas de savoir si ses parents étaient à l’heure ou pas à leur travail. Ma fille, très timide, n’a rien répondu mais n’en pensait pas moins, sauf que sa professeure a repris le devoir qu’elle venait de lui rendre et lui a enlevé 2 points. La proviseure étant à nouveau intervenue, tout est rentré dans l’ordre. Dans toute corporation et y compris dans l’enseignement qui est une profession difficile, il peut y avoir des personnes plus ou moins performantes, mais si les parents sont entendus, on peut continuer à avoir confiance dans le public.
L’entrée de ma fille dans le cycle secondaire a été plus difficile. Le lycée de secteur n’avait pas bonne réputation, c’est d’ailleurs pourquoi certaines amies de ma fille avaient décidé de faire de l’allemand pour avoir droit à un autre lycée. Très vite, les difficultés ont commencé : problèmes de disciplines qui perturbaient les cours au point que certains professeurs se sont mis en grève. Je me souviens qu’au bout de quelques jours seulement, le professeur principal m’avait demandé de venir parler aux élèves pour essayer de les convaincre de la gravité de leur conduite. J’avais été très surprise par cette demande mais souhaitant la reprise des cours, j’étais allée rencontrer la classe. Le plus étonnant, c’est que ma fille m’avait appris que la proviseure n’était elle-même jamais venue parler aux élèves…Les cours ont repris et après mon entretien avec la proviseure, à qui j’avais suggéré plus d’autorité, celle-ci me téléphonait dès le moindre incident, en me demandant conseil.
Un autre problème s’est révélé avec le professeur d’anglais qui, au moindre incident, un livre oublié, un élève qui n’avait pas appris sa leçon, etc., ne faisait pas cours et dépliait son journal. Aucun contrôle écrit ne put avoir lieu. A la fin de l’année, lors de la réunion pour le passage en première, ce professeur était absent. J’ai demandé que l’on lise à voix haute les notes d’anglais de tous les élèves : surprise, elles étaient toutes très bonnes. Devant l’étonnement de la proviseure, j’ai expliqué : « Madame vous savez très bien que ces notes sont fausses et qu’aucun contrôle n’a eu lieu, c’est pourquoi je vous annonce que je retire ma fille de votre lycée ». Les autres professeurs ont essayé de me retenir en m’annonçant que le professeur d’anglais ne reviendrait pas. Mais je souhaitais que ma fille obtienne son bac, aussi a-t-elle a terminé son cycle secondaire dans le privé. Ce dont je n’ai eu qu’à me satisfaire. Cela a toutefois nécessité un effort financier que tout le monde ne peut assumer.
En résumé, je pense que « la guerre » entre l’école publique et l’école privée ne doit pas avoir lieu. Des parents choisissent le public ou le privé par conviction personnelle, d’autres y sont poussés par les difficultés que rencontrent leurs enfants au sein de leur établissement. Personnellement, j’ai fait ce qui me semblait le mieux pour mes enfants et je souhaiterais que tous les parents puissent en faire autant.