Cultiver ses tomates a commencé par ressembler à une parenthèse enchantée pour Françoise. Mais avec le temps, c’est devenu un espace de réflexion philosophique qui lui fait encore plus apprécier la vie.
Par Françoise Bailly.
Parce que vieillir nécessite de renoncer à certaines activités trop gourmandes en énergie, ce printemps 2024 m’a invitée à aller voir ailleurs.
L’ailleurs n’était pas loin, juste à quelques marches, dans une longe bande de jardin arboré, en pente, livrée à elle-même depuis quelque temps.
Ainsi un carré potager est né, bien m’en a pris, et, telle Perrette, j’ai immédiatement imaginé des récoltes inespérées de courges, courgettes, tomates et aromates en tout genre. C’était sans compter avec un printemps pluvieux et une invasion de limaces, qui, dès la nuit tombée s’attaquaient inexorablement à tout ce qui sortait de terre. S’en est suivi une chasse sans merci dont je tairais ici la cruauté jusqu’à l’éradication quasi-totale des envahisseuses. J’ai pu ainsi déguster 2 ou 3 courgettes et me régaler de tomates hautes en couleurs dont d’ailleurs les dites bestioles ne raffolent pas.
Bien entendu, j’y ai aussi mis des fleurs et, à différents niveaux, de quoi m’asseoir pour lire, rêver, observer et, souvent, ne rien faire, un doux privilège.
Aujourd’hui, c’est novembre, le ciel normand est au ras des toits, j’écris sous la lampe. De ma fenêtre je vois le grand platane débarrassé de ses feuilles il me laisse voir le noisetier encore tout doré. Les feuilles mortes ont été mises au compost. Thym, romarin, lavande ont été mis à sécher pour les tisanes de l’hiver et je sais que les capucines courent encore à l’assaut des espaces vides.
Hier, en repiquant des pieds de mâche offerts par un ami, je me suis surprise à m’excuser auprès des vers de terre de tant les bousculer, considérant la moindre vie comme sacrée. Petit miracle du jardinage ! Tout ça, cependant, ne m’a pas fait oublier l’état de notre monde, ni comment ici et là on peut mourir de faim sous les bombes, ou les deux. Alors j’ai rêvé qu’au préalable de toute élection on devrait mettre les futurs chefs d’état devant un carré potager pour qu’ils soient éclairés sur la biodiversité et le profond respect qu’on doit à toute vie.