Où aller se réchauffer quand la morosité de l’actualité et la grisaille du ciel donnent la chair de poule ? Marie suggère de pousser la porte d’un café, celui d’Hector en particulier. Histoire de partager un moment d’humanité.
Par Marie H.
Le ciel est gris, l’atmosphère morose, les nouvelles du monde chagrineuses, aussi avons-nous décidé, des amis et moi, d’aller prendre nos petits-déjeuners chez Hector durant nos séjours parisiens. Thé et café sont servis par un Hector débonnaire. Les habitués arrivent peu à peu, se saluent, s’embrassent et échangent de joyeux propos.
Le café Chez Hector n’est pas une succursale du Ritz, on y croise plus de jeans et perfectos que de costumes-cravates ; c’est un endroit sympathique à l’ambiance chaleureuse. Les nouvelles du jour sont abondamment commentées par les habitués.
Les cadres fréquentent non loin de là, l’Emil’s Bar. Emile, le patron, ne s’est jamais tout à fait remis de son passage chez un vague Lord, propriétaire d’un manoir dans le Kent. Son bar embaume le Blenheim Bouquet’s, ses banquettes arborent des capitons british « Sisterfils » dixit Paulo, un transfuge de Belleville qui y a goûté un excellent whisky un soir d’égarement.
L’Emile, ce n’est pas le mauvais bonhomme, mais il se prend pour un majordome. Son whisky m’a chauffé la carcasse, je ne causerai pas de son accueil et de celui de ses sbires, il congèlerait un pingouin.
Ce récit imagé fait sourire Hector. Lui aussi pourrait épater la galerie, si c’était son genre. En effet, nous avons appris par son vieil ami François la presque totalité de son parcours de vie. Hector a roulé son mètre quatre-vingt-quinze dans le monde entier, à bord de cargos battant toutes sortes de pavillons. Des bateaux, il en a pris beaucoup, avant de jeter l’ancre, à deux pas des quais, dans cette petite rue parisienne. Le Kent d’Emile ne pèse pas lourd face l’odyssée hectorienne.
Tous âges confondus, la clientèle est au diapason : anciens vagabonds revenus au gîte, nomades rangés des caravanes, globe-trotteuses aguerries, arpenteuses planétaires, mannequins rescapées de podiums carnavalesques.
Ma préférence va à Madame Dora, une jeunesse de quatre-vingt printemps ; elle ne sort pas de la Comédie Française mais son imitation de tous les accents de la planète, y compris celui, très snob, de son septième arrondissement, est d’une drôlerie irrésistible et fait la joie des fidèles hectoriens.
Heureux ceux qui pousseront la porte de Chez Hector, les esseulés y trouveront un refuge contre le blues urbain. Peu de gens ont l’occasion d’aller barboter dans les lagons et de trottiner dans les savanes lorsque l’hiver sévit au cœur de nos ruelles ; des bars comme celui d’Hector font alors office de Samu et devraient être reconnus d’utilité publique.