Selon le dernier recensement, 200 personnes parmi lesquelles 36 mineurs, vivent dans la rue à Rouen. Martine a cherché à en savoir plus sur ces « sans-abris » et sur ceux qui leur apportent de l’aide, les maraudeurs de diverses associations.
Par Martine Lelait
Chaque année le Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) de Rouen, en lien avec de nombreux partenaires associatifs et institutionnels, procède lors de la Nuit de la Solidarité, au recensement des personnes sans abri. En janvier 2023, ce sont 200 personnes dont 36 mineurs en errance qui ont été recensées à Rouen. Les femmes représentant un quart des personnes à la rue.
Si cette opération marque un temps fort dans l’année pour mieux connaître le profil de ces personnes, rendre visibles leurs problématiques et essayer de mieux répondre à leurs besoins, elle ne représente qu’un moment dans la vie des associations engagées auprès d’elles. Comme le rappelle Nadia, chargée des actions collectives et événementielles au CCAS et en charge de ce recensement annuel, des bénévoles de l’Autobus Samu Social, de Médecins du Monde, de la Croix Rouge, des Restos du Cœur, d’Idéalia, … se relaient lors de maraudes et vont au-devant d’elles chaque soir et chaque nuit.
Lors de ces maraudes, les associations distribuent de la soupe ou des boissons chaudes ou des sandwichs ou des couvertures ou des vêtements chauds ou encore de petits soins d’hygiène ou de santé… A ces besoins de première nécessité, s’ajoutent, depuis plus d’un an, des animations culturelles pour répondre à un besoin de moments de plaisir, de moments plus festifs. Ainsi, une fois par mois, la maraude de l’Autobus est accompagnée par un groupe de musiciens qui propose une animation musicale sur les différents lieux de rendez-vous : dans les Jardins de l’Hôtel de Ville, sur le parvis de la Gare SNCF et sur celui de l’Église St Sever.
Mercredi 29 mars, je suis partie avec Nadia à la rencontre des maraudeurs et de leur public dans les Jardins de l’Hôtel de Ville. L’heure d’été étant passée par là le week-end précédent, il faisait encore jour à 20 h et un temps étonnamment doux et printanier.
Le camion de l’Autobus est arrivé avec un peu de retard, car, à 20 heures, il récupère des invendus d’une boulangerie avant de rejoindre son point de ralliement aux Jardins de l’Hôtel de Ville. A l’arrivée du camion, les petits groupes disséminés dans les jardins se sont approchés, qui pour une soupe (au poisson ce jour-là et visiblement bien appréciée), qui pour un café, qui pour un sandwich… Une quarantaine d’hommes, de femmes, de jeunes, de personnes plus âgées, ainsi que quelques rares enfants avec leur mère ont écouté les deux musiciens, deux Rouennais, Léon et Léon des Vibrants Défricheurs, qui, à la guitare et à la clarinette, ont mis une belle ambiance, amenant certains à danser, à reprendre avec eux leur refrain « champ’aigne » avec le plus bel accent anglais !
Les maraudeurs de ce soir de mars, Charles, Arnaud, Kamal, Marie-Delphine notamment, se sont prêtés avec beaucoup de gentillesse à mes questionnements. Arnaud, Président de l’Autobus a raconté que l’association, née en 1993, s’apprêtait à fêter ses 30 ans. Forte de trois salariés et d’environ 150 bénévoles, elle œuvre quasiment tous les jours de la semaine dans les rues de Rouen pour aller à la rencontre des plus démunis.
Ces derniers étaient particulièrement nombreux en ce mercredi de fin de mois, le RSA (revenu de solidarité active) n’ayant pas encore été versé par la CAF…
Pour en savoir plus sur ceux qui vivent dans la rue, voici deux lectures passionnantes :
- « Les Naufragés, avec les clochards de Paris » de Patrick Declerck, récit qu’Emmanuel Meirieu de la Compagnie Le Bloc Opératoire vient de présenter au théâtre la Foudre de Petit Quevilly (spectacle les 30 et 31 mars et 1er avril) – Décor sublime et texte très poignant.
- « Et nous vivrons heureux sur terre » de Jérôme Lemesle qui raconte la vie d’un SDF rouennais entre l’accident de Lubrizol et le 1er confinement. Les Rouennais reconnaîtrons les lieux qui sont évoqués et pourront constater, s’il en est besoin, combien il est difficile de vivre et survivre quand on est à la rue.