Il n’y a pas encore des lustres, croiser des touristes asiatiques portant des masques sur le parvis de la cathédrale de Rouen me faisait doucement rigoler et pas que moi je pense… Que craignaient-ils donc ces touristes ? L’acuité du soleil normand agressant leur peau diaphane ? La bien réputée pollution rouennaise ? Et nous de ricaner bêtement.
Un microscopique mais très méchant virus étant passé par là, toutes nos habitudes, tous nos repères ont changé. Notre vocabulaire aussi a muté, il n’y a pas que les virus qui mutent : jamais on n’a autant employé le mot « confinement » jusqu’à des dizaines et dizaines de fois par jour. Et les masques, qui parlait donc de masques si ce n’étaient les enfants à l’approche du carnaval ?
Maintenant à défaut d’être sur tous les museaux, les masques sont sur toutes les langues ! Nous sommes même tous devenus des spécialistes hyper pointus des masques en tous genres et que je te cause à qui mieux mieux des FFP2 comme si on avait été élevés avec !
Aussi, pour ne pas demeurer en reste, pressentant que l’obligation viendra de porter des masques dès qu’on sera en mesure d’en produire et d’en distribuer suffisamment à tous, j’ai décidé d’anticiper, de m’habituer dès à présent à porter ces horribles choses, bref, d’avancer moi aussi masquée.
Prenant le relais de Que Choisir, dans la série « j’ai testé pour vous », j’ai donc testé plusieurs masques : les masques en tissu 3 plis fabriqués par une copine couturière et même le masque sans couture et sans élastique (c’est la crise de l’élastique partout ne le saviez-vous pas ?) que j’ai fabriqué de mes propres petites mimines (et plus propres que propres parce que lavées plein de fois par jour) à partir du patron publié la semaine dernière dans Paris Normandie.
Le résultat des courses ? Mes premières expériences sont… comment dire … mitigées…
Sur les aspects pratiques :
- Les liens à nouer derrière la tête, un en haut, l’autre en bas, pas commode du tout à attacher, ça se relâche, le masque glisse et comme normalement une fois mis, on ne devrait plus y porter les mains, on a déjà tout faux.
- Les élastiques du type élastique à culotte (mais je vous parle d’un temps que les moins de vingt ans…qui répare encore ses culottes ?) derrière les oreilles, c’est pas mal du tout mais mieux vaut ne pas porter de boucles d’oreilles pendantes sinon on bricole…
- Deux élastiques plus larges qui enserrent la tête (on enfile le masque comme un collier que l’on remonte) : ça tient bien mais ça décoiffe.
- Le masque sans couture ni élastique : si le tissu employé n’est pas suffisamment résistant, il y a risque qu’il lâche au niveau des oreilles après plusieurs utilisations (sauf à revoir et adapter le patron).
- Et puis et puis, quel que soit le modèle utilisé, j’ai trouvé que ça tient chaud, ça provoque de la buée sur les lunettes et surtout ça donne irrémédiablement envie de se gratter le nez, geste bien sûr hautement prohibé !
Ce n’étaient là que les côtés pratiques ou pas pratiques, c’est selon, de la chose. Venons-en aux aspects symboliques et sociétaux.
Même si le masque gagne du terrain, on en voit de plus en plus tous les jours, certaines personnes que je croise, qui résistent et sortent encore sans masque, me regardent, soit comme je regardais les touristes asiatiques avec un léger mépris amusé, (encore une vieille qui psychote…), soit avec une méfiance non dissimulée : je dois être bien bien contagieuse pour me cacher pareillement ; du coup elles rajoutent un grand écart dans leur manière de me croiser, on se sent encore plus isolé.
Je voudrais pouvoir leur dire que je ne leur veux que du bien, que c’est d’abord pour les protéger de mes postillons, mais parler à travers le masque bien ajusté oblige à parler plus fort, à mieux articuler, alors je me contente de leur décocher mes plus beaux sourires… mais ça ne marche pas, allez savoir pourquoi !?
Martine Lelait – 14 avril 2020