Revue de presse de la résidence Trianon à Rouen
Pour la première fois, une revue de presse a réuni des résidents du Trianon et des étudiantes en BTS économie sociale et familiale. Ensemble, ils ont partagé leurs points de vue sur différents sujets d’actualité. A travers un échange concernant le conflit israélo-palestinien, une question s’est imposée : comment vit-on cette menace en fonction de son âge et de son expérience de vie ?
Étaient présents :
Résidents de la résidence Trianon : Alain, Brigitte, Chantal, Christine, Daniel, Evelyne, Lucette, Joëlle, Odette, Odile, Marie-Claude, Monique, Patrick, Sabine, Thierry, Viviane et Elena (animatrice).
Étudiantes en 2ème année, BTS économie sociale et familiale : Anaïs, Astride, Aurélie, Chaïma, Chloé, Cirianne, Coralie, Élisa, Éloïse, Lena, Jeanne, Johanna, Juliette, Isabelle, Katinian, Kathleen, Mathilde, Mulan, Sarah, et Margaux (professeur).
Extraits des échanges
Marie-Claude : Le conflit en Israël est encore très présent dans les esprits.
Odette : C’est un conflit qui dure mais la trêve et la libération des otages auront été une bonne chose. Trois français ont pu retrouver leur liberté.
Odile : Être otage est vraiment terrible. Pendant la 2ème Guerre mondiale, j’avais 8 ans ; des S.S. m’ont menacée avec leur fusil, j’avais le canon de l’arme collée sur mon front. Cela a été effroyable, je ne savais pas s’ils allaient me tuer, j’étais à leur merci sans rien pouvoir faire. Ils sont partis en prenant ma sœur de 16 ans en otage. Avec l’actualité récente, tout me revient en mémoire ! C’est très présent. Mes frères me disent souvent que c’est du passé mais pour moi c’est toujours aussi vif aujourd’hui.
Marie-Claude : La recrudescence de l’antisémitisme et du racisme nous touche aussi mais pas autant que les Juifs ou les Musulmans qui vivent en France.
Viviane : C’est pour cela qu’il faut en parle, pour que cela ne recommence pas.
Chloé : Nous les étudiantes, nous nous sentons moins concernées ; on imagine mal que ce conflit puisse arriver jusqu’à nous. Les conséquences de tous ces événements nous semblent assez lointaines.
Joëlle : Pourtant, cette violence s’exprime aussi en France.
Daniel : C’est inquiétant cette impression que même chez nous, on est prêt à remettre ça !
Marie-Claude : C’est la même chose qu’il y a 50 ans, tout recommence encore et encore.
Odile : J’ai eu la même impression quand la guerre en Ukraine a débuté. C’était comme le retour d’une époque que je croyais révolue.
Margaux : En tant que professeure, je vois bien qu’il y a un décalage lié à l’âge. Les personnes plus âgées vont parler de peurs qui font référence à un vécu que les étudiantes n’ont pas. Pour elles, la peur est plus concrète quand elle est proche. Dans notre lycée, nous avons subi quatre alertes à la bombe en quelques mois. A leur échelle, c’est bien plus traumatisant que les nouvelles qu’elles reçoivent à la TV ou par tout autre média. Elles réalisent davantage que tout peut basculer ici, à Rouen, dans leur établissement.
Jeanne : Durant l’hommage rendu à l’enseignant tué à Arras au sein de notre lycée, les professeurs semblaient vraiment très émus et nous avons ressenti cette inquiétude qu’ils partageaient avec nous. Tout d’un coup, nous comprenions que cette violence, nous pouvions la rencontrer, nous aussi.
Chloé : On réalise qu’il y a des gens suffisamment méchants pour nous attaquer dans notre lycée. Humainement, c’est difficile d’accepter cette perspective.
Joëlle : Ceux qui tuent sont parfois mineurs ! Concernant le meurtre de Samuel Patti, ce sont des jeunes qui ont donné des renseignements au terroriste. Est-ce que leurs parents leur expliquent ce qui se passe ? On a l’impression qu’ils ne comprennent pas la situation.
Jeanne : Bien-sûr, les parents peuvent nous parler de ces événements mais ils ne le font pas forcément. Il peut y avoir un manque de ce côté-là.
Chloé : En dehors du cercle familial, on peut avoir de mauvaises fréquentations, aussi.
Odile : Vous ne pensez-pas que les réseaux sociaux ont une part de responsabilité ?
Élisa : On ne peut pas généraliser : les réseaux sociaux peuvent avoir du bon, ils favorisent les partages dans beaucoup de domaines mais, assurément, certains jeunes se laissent influencer.
Pour ma part, je signale les messages qui me semblent dangereux, ceux qui pourraient valider des actes racistes, des violences sexuelles, etc… On a accès à tous ces réseaux à partir de 13 ans, logiquement avec l’accord des parents, c’est très jeune, on ne devrait pas avoir accès aussi facilement à tous ces propos.
Christine : On voit beaucoup de parents laisser leur téléphone à leurs enfants en bas âge pour avoir la paix. Ils prennent l’habitude de manipuler ces objets qui font partie de leur vie, dès le plus jeune âge. Ils sont habitués trop tôt à tout gober.
Éloïse : Sur les réseaux sociaux, il faut pouvoir prendre de la distance. Ce n’est pas si simple au quotidien. Je suis plus âgée de 4 ans que ma sœur et je vois déjà la différence. J’aimerais l’accompagner, elle a commencé à fréquenter les réseaux sociaux beaucoup trop tôt et maintenant, elle se laisse facilement influencée par ce qui s’y dit. C’est dur pour elles et pour beaucoup de jeunes du même âge de prendre du recul et de faire la différence entre ce qui est vrai ou faux.
Christine : Avec les médias classiques, on a des repères, on sait sur quelle chaîne, on peut un tel ou un tel.
Joëlle : Je regarde les infos et la météo à la télévision, puis je vais sur Facebook, je n’y ai pas de compte mais je suis ce qui s’y passe quand même.
Patrick : Les personnes âgées disent souvent qu’elles ne veulent pas d’Internet parce que c’est trop compliqué. Pour ma part, je trouve que l’on peut faire des recherches extraordinaires en se connectant sur le monde tout en se déconnectant de l’actualité. Personnellement, la dernière recherche que j’ai effectuée concernait l’histoire de l’Amérique précolombienne. C’est passionnant.