Claudie avait 6 ans le jour du débarquement…qui ne l’a pas libérée de ce qui lui faisait tant peur : les bombardements. Elle se souvient. 

Par Claudie Perrot 

Actuellement, on célèbre le 80ème anniversaire du débarquement en Normandie qui annonçait la libération de la France par nos alliés.
Certes, la France était libérée mais à quel prix ? Tant de victimes, de vies brisées et des villes entières détruites, pourquoi ?
Je suis havraise de naissance. J’avais 2ans 1/2 en 1940. 
Mes parents étaient petits commerçants, épicerie, crémerie, fruits, légumes et un peu de mercerie. On dirait maintenant une supérette de quartier.
Pour nous, Havrais, les bombardements ont commencé en 1940 après l’arrivée des allemands qui ont transformé la ville et le port en base navale. En juin 40, les stocks des installations pétrolières sont volontairement incendiés sur ordre du commandement militaire pour les soustraire aux Allemands. Les fumées dégagées nous font vivre plusieurs jours dans une obscurité totale. « Il fait toujours nuit maintenant ? » demandais-je à ma mère.
En septembre 40, les bombardements sont quotidiens. Des avions larguent des bombes touchant la ville en de multiples endroits. Mon père a creusé un abri dans le jardin. Il s’agit d’une tranchée profonde recouverte de tôles ondulées, elles-mêmes recouvertes de terre et d’herbe pour le rendre invisible. A chaque alerte, dès que les sirènes retentissent, nous allons nous y réfugier. Mais, un jour, chez des voisins, un obus est venu obstruer complètement l’entrée de leur abri. Heureusement il n’y a pas eu de victimes. A partir de ce jour, nous n’avons plus jamais utilisé cet abri.
Notre maison avait un très grand sous-sol qui comportait 4 pièces dont une était entièrement aveugle. Nous l’appelions « la cave noire » ; mes parents y ont étalé sur le sol des bottes de paille et disposé des couvertures et des oreillers. C’est désormais là que nous nous réfugions dès le retentissement des sirènes. Quand la nuit s’annonçait calme, l’heure du coucher arrivant, nos parents nous couchaient mon frère et moi dans nos chambres. Je pleurais, je m’agrippais au cou de ma mère, je ne voulais pas aller dans mon lit. Si des bombardements survenaient, nous descendions dans cette cave noire. J’ai un souvenir très précis de la paille qui grattait et de cette ampoule électrique qui se balançait au plafond selon la proximité des avions et l’intensité des bombardements.

La petite fille que j’étais devenait triste, ne jouait plus ne dormait plus, m’ont rapporté mes parents, qui ont consulté un médecin. Celui-ci a conseillé de m’éloigner de la ville. C’est ainsi que je suis partie chez ma grand-mère, à la campagne, près de Fécamp.
J’étais séparée de mes parents, de mon grand frère et de mon petit frère né quelques mois plus tôt. J’allais avoir 4 ans.

En juin 1944, la guerre n’était pas terminée, loin s’en faut. Du 5 au 11 septembre 1944, un véritable déluge de feu s’abat sur Le Havre décidé par nos « libérateurs » anglais et canadiens.
La ville est détruite à 85% et a le triste privilège d’être la plus détruite France !
Mes parents ont tout perdu : leur maison, leur outil de travail et plus encore… mais nous sommes vivants.
Voilà les souvenirs douloureux et indélébiles d’une vieille dame.