Les conclusions de la Convention citoyenne sur la fin de vie en faveur de l’aide active à mourir devraient participer à faire émerger une nouvelle loi en France, d’ici à la fin de l’été. Mais décider de mourir relève-t-il toujours d’une liberté de choix ?
Par L.N
De l’insulte à Dieu au Moyen Age au devoir du citoyen de conserver la vie pour sa patrie à la fin du 18esiècle, au moment de la Révolution Française, s’occire, au cours de l’histoire, n’a jamais eu bonne presse. Même s’il y a toujours eu des suicides imposés : dans l’Antiquité, une jeune fille déshonorée se devait de s’homicider ; au Japon, au 19e siècle, sur les hauteurs du Shinshu, la coutume locale voulait que les personnes atteignant 70 ans, s’en aillent mourir volontairement au sommet de Narayama. C’est ce que raconte la « Ballade de Narayama », la nouvelle du japonais Shichirō Fukazawa, où l’on découvre la vieille Orin se préparant au pèlerinage sur la montagne pour finir dans le cimetière des éléphants. Quant à nos vieux insolvables et assistés par leur famille d’avant l’existence des pensions de retraite, qui ne datent que de 1945, ils buvaient souvent le bouillon de 11 heures…
Les registres de Justice sont peu éloquents sur le sujet, tant le suicide a été longtemps tabou et objet de silence. Les registres paroissiaux sont muets aussi, puisque les suicidés, excommuniés, n’y figurent pas. Pour choisir de mourir sans faire de tort à sa famille, il fallait préférer les noyades qui pouvaient passer pour un accident à la pendaison, car alors les biens étaient confisqués et la famille bannie. Ainsi peu de traces de suicides, mais la littérature nous apprend qu’ils étaient quand même nombreux.
Aujourd’hui, partout dans le monde, le taux de suicides diminue. Les gens sont globalement moins désespérés. Leur liberté est plus grande, leur espérance de vie a doublé au cours du 20e siècle, l’extrême pauvreté est passée de 90% à 9% de la population humaine au cours des deux derniers siècles, les violences faites aux femmes et aux enfants ont diminué.
Peu à peu, le suicide est surtout devenu l’issue de ceux qui souffrent psychiquement. Ainsi, l’écrivaine britannique, Virginia Woolf qui s’est noyée parce qu’elle ne pouvait plus écrire ou Pierre Bérégovoy qui s’est tiré une balle dans la tête parce qu’il se sentait accablé par des soupçons de corruption.
Le suicide permet aussi de mettre un terme aux souffrances existentielle ; cela a été le choix de l’écrivain Ernest Hemingway, du pédopsychiatre Bruno Bettelheim, de l’écrivain Primo Lévy ou encore de cette dame que la famille voulait placer en Ehpad.
Si on ne peut dire que le suicide soit le fruit d’une liberté, tant il est souvent provoqué par une grande souffrance, le suicide personnel et impulsif interroge moins que le suicide comme acte de résistance ou de contestation. Ainsi, les intellectuels socialistes, Paul Lafargue et Laura Marx qui se sont suicidés avant de connaître la déchéance inévitable, selon eux, du vieillissement.
En 2023, la France s’apprête à se doter d’une nouvelle loi sur la fin de vie, où le suicide assisté pourrait être possible et autorisé. La Convention citoyenne sur la fin de vie s’est prononcée majoritairement pour une évolution du droit vers une aide active à mourir. Mais prenons garde à ce que le droit à mourir ne se transforme pas en devoir de mourir pour tous ceux qui se sentiraient de trop ou une charge financière pour leur famille et le système de santé.