Les affaires de harcèlement reviennent régulièrement sur le devant de l’actualité. Les réseaux sociaux renforcent un phénomène qui existe depuis bien longtemps. Certains abus sont aussi dénoncés grâce à Internet.
Revue de presse de la Résidence Trianon à Rouen.
Avec : Alain, Christine, Daniel, Isabelle, Marie-Claude, Monique, Odile, Patrick, Roger, Thierry, Viviane, Helena (animatrice), Clara et Marilou (étudiantes en sociologie).
Odile : Le harcèlement scolaire est un problème que personne n’arrive à régler. Il génère un sentiment d’impuissance. Quelles sont les interventions proposées par les professeurs, les éducateurs pour soutenir les enfants et comment peut-on les aider dans leurs initiatives ?
Viviane : La plupart du temps, les enfants n’osent pas parler des problèmes qu’ils rencontrent aux adultes.
Thierry : Le jeune a peur que cela se retourne contre lui et de passer pour un fayot. De ce fait, il montre le moins possible son malaise ce qui rend le harcèlement très dur à détecter.
Viviane : Il y a quand même des signes apparents qui permettent de détecter un problème : le jeune change d’attitude, s’isole, se renferme. Son comportement était normal, il ne l’est plus.
Thierry : Les enseignants ont beaucoup d’élèves à encadrer, les classes sont surchargées, ce n’est pas facile de percevoir ces signaux dans ces conditions. Avant, on éclatait les groupes pour limiter l’effet de bande.
Christine : J’ai connu un jeune qui n’arrêtait pas de se vanter, il voulait toujours se montrer meilleur que les autres, il a fini se faire mal voir jusqu’à se faire harceler par tous les autres, il a dû changer d’école.
Thierry : C’est un problème quand le jeune harcelé se retrouve obligé de partir.
Christine : Au début, ce garçon ne voulait pas que sa mère sache ce qui lui arrivait.
Daniel : Les parents ne prennent pas suffisamment le temps d’observer leurs enfants.
Marilou (étudiante) : Le harcèlement existe dans la vraie vie, ensuite il se décale vers les réseaux sociaux.
Patrick : Les réseaux sociaux, c’est une saloperie, c’est une entrée à tout.
Clara (étudiante) : Mes parents n’aimaient pas les réseaux sociaux. J’ai donc reçu mon premier portable à 16 ans. Je garde une certaine distance par rapport à tous ces échanges, mais cela ne m’a pas empêché de vivre récemment une expérience douloureuse de harcèlement dont je n’ai pas parlé aux professeurs ou à peine. Il y a un manque d’éducation sur ce genre de sujet, à tous les niveaux. La plupart des épisodes de harcèlement se développent à travers des groupes.
Marilou : Avec Clara, nous sommes à l’université en sociologie. Dans ce milieu aussi, on connait des histoires de harcèlement. Cette année, des étudiantes ont été victimes d’un garçon qui a beaucoup de problèmes avec les filles. Si, dans l’ensemble, les professeurs réagissent et nous protègent – un groupe a d’ailleurs été exclu de l’université – ces situations restent très durs à vivre.
Helena : C’est vrai que les réseaux amplifient tout. En même temps, ils permettent de révéler ce qui se passe ; avant, on ne parlait du tout de ce qui se passait et qui restait caché. Quand on entend de vieilles histoires qui sortent aujourd’hui, on se rend compte que les problèmes existent depuis longtemps mais personne n’osait en parler.
Thierry : J’ai été harcelé au collège à une époque où les réseaux sociaux n’existaient pas. On me harcelait physiquement, car j’étais du genre gringalet. Une bande de quatre ou cinq petits loustics m’attendait à la sortie. Comme je me rebellais, ça dégénérait. En dehors de cela, ces collégiens qui m’agressaient menaient une vie normale et personne ne les remarquait. Comme mes parents rentraient tard, on n’avait pas le temps de parler de mes problèmes. De toute manière, mon père m’aurait dit que j’étais une lavette. Je me suis retrouvé tout seul à devoir y faire face.
Odile : Je me souviens d’un instituteur qui s’intéressait aux petites filles. Comme il ne voulait pas qu’on s’en aperçoive, il nous interdisait l’entrée de l’école quand il voulait se retrouver seul avec une élève. J’avais 14 ans et j’étais curieuse alors je suis allée voir ce qui se passait. C’est ainsi que je l’ai surpris avec une petite fille sur les genoux. Quand il a compris que je savais, il m’a menacé de convoquer mon père. Je lui ai répondu que dans ce cas je raconterais ce que j’ai vu. En fait, je n’ai jamais osé le dire à mon père.
Marie-Claude : Les professeurs avaient des favoris ; parfois, c’était tendancieux.
Viviane : A l’époque, on n’osait pas parler de ces choses-là et surtout de ceux qui étaient harcelés. La honte retombait sur eux.
Marilou : Le harcelé dégage un sentiment de culpabilité : « Pourquoi moi » ? « J’ai fait quelque chose de mal » ? En cherchant à comprendre comment les choses se sont passées, on demande à certaines victimes comment elles ont l’habitude de se comporter, particulièrement aux femmes. Cela suggère qu’il peut y avoir une ambiguïté provoquée par la victime. On finit parfois par davantage défendre le harceleur que le harcelé.
Clara : Maintenant, on comprend mieux ces problèmes et on propose des suivis psychologiques pour aider les victimes.
Daniel : Je pense que c’est utile. On a besoin de parler.
Viviane : Je pense aussi aux femmes qui subissent des attouchements dans les transports en commun.
Thierry : Les passagères l’ignorent souvent mais elles peuvent appeler ou aller voir le chauffeur, c’est prévu ; les conducteurs sont formés pour intervenir. Dans les bus, les chauffeurs s’arrêtent.
Alain : Les hommes portent en eux un sentiment de pouvoir et ils se croient tout permis. Avant, ils étaient seuls à occuper les fonctions autoritaires ; dans l’armée, Il n’y avait que très peu de femmes. Maintenant, ce phénomène se rééquilibre. On peut espérer que cela change les choses.