80 ans sont passés, mais le souvenir de 1944 reste très présent dans l’esprit de Thésy. Elle commémore cette année-là d’une manière toute personnelle. 

par Thésy Bionnier 

Tous ceux qui ont connu cette période, enfants, adolescents, adultes, soldats se sont rappelé cette période. Beaucoup ont eu peur, ont été témoins de bombardements, certains ont perdu un membre de leur famille sous les décombres, mais en même temps ils étaient habités par un grand espoir, celui de la fin cette guerre atroce.

Personnellement, née en 1940, j’étais trop jeune pour comprendre ce qui se passait et pour souffrir des évènements. Je me souviens juste d’une nuit de terreur. Je dormais dans mon petit lit situé sous une fenêtre, lorsque j’ai été réveillée deux Allemands, mitraillettes au poing, qui étaient entrés dans la maison pour réclamer des œufs et des poules. Ma nourrice, chez qui je vivais depuis l’âge de six mois, s’est exécutée, sans doute très effrayée et certainement malheureuse de devoir donner les denrées car, je m’en suis rendue compte bien plus tard, elle était pauvre mais tellement gentille avec moi.

Dès le départ des soldats, ma nourrice a jeté quelques vêtements dans un grand sac, m’a déposée dans la poussette, a fermé la porte de la maison et m’a emmenée dans la campagne. Je me souviens des nombreux soldats allemands qui avaient envahi mon village de la Mayenne. Nous sommes restées refugiées dans une ferme (chez la fille de ma nourrice, je crois) pendant quelque temps. Ce sont mes premiers souvenirs de petite fille liés à cette guerre.

Par contre, en 1945, je me souviens avec précision de ce dimanche après-midi. Nous étions aux vêpres, ma nourrice et moi, lorsqu’on est venu nous chercher pour aller chez ma grand-mère que je ne connaissais pas. Il y avait beaucoup de monde dans cette maison mais tout de suite, l’on m’a présentée à un monsieur qui était assis et qui m’a prise dans ses bras. C’était mon père qui me voyait pour la première fois, étant née alors qu’il était prisonnier en Allemagne. J’étais très intimidée par cet homme, alors que ma cousine qui avait mon âge voulait que ce soit son père qui est rentré plus tard. C’est ce jour-là que j’ai découvert que j’avais un papa, une grand-mère, une cousine, une tante et surtout un grand frère. Lui aussi découvrait qu’il avait une petite sœur. A partir de ce jour, j’ai vécu pendant deux ans chez ma grand-mère avec mon père et mon frère. La séparation d’avec ma nourrice a été très dure et pendant des années je lui ai rendu visite jusqu’à son décès en 1956. Cette histoire qui est la mienne montre que les guerres entrainent beaucoup de conséquences collatérales, même chez les jeunes enfants.