La langue française est une langue vivante qui s’enrichit en permanence de mots nouveaux venus d’ailleurs et d’expressions. Mais elle attire aussi les tics de langages, ainsi la formule utilisée à tout va et dans n’importe quel contexte : « Pas de souci ». Ce qui n’est pas du goût d’Isabelle.
Par Isabelle Revol
On entend souvent, en réponse, à quelque remarque, l’expression : « Pas de souci ».
C’est ce serveur qu’on remercie de nous avoir apporté le café commandé et qui conclut par : « Pas de souci ». C’est cette secrétaire médicale à qui on demande une confirmation de rendez-vous et qui termine l’échange par un « Pas de souci ». C’est cette amie à qui on souhaite une bonne journée et qui, plutôt que de prononcer l’attendu « bonne journée pour toi aussi » lance : « Pas de souci ».
Si l’expression amuse au début, à la longue, elle devient pénible. Si l’on doit signifier que les choses « roulent », ne peut-on dire plus explicitement : « C’est entendu ». Car le « pas de souci » introduit un doute. Pas de souci pour qui ? Celui qui parle ou celui qui écoute ?
Ce « pas de souci » à tout bout de champs exonère celui qui le proclame du moindre engagement. Ce n’est ni un oui ni un non. C’est une sorte de salmigondis. Et beaucoup l’emploient à tout va, car la formule peut être utilisée à toutes les sauces, dans toutes les situations, sans qu’il soit nécessaire de se soucier de la réaction de celui qui la reçoit.
Quelqu’un disait ironiquement qu’à une proposition de conjugalité : « Veux-tu vivre avec moi ? », on pourra peut-être bientôt répondre : « Pas de souci ». Ôtant ainsi à la gravité ou au bonheur de cette situation toute aspérité, toute poésie, tout effort de nuance langagière.
Il est toutefois des situations où le « pas de souci » pose problème. Quand il tente d’éteindre une déception. Une demande a été formulée qui n’obtient pas satisfaction et plutôt que recevoir un « désolé » rassérénant, on nous expédie un « pas de souci ».
Et si on cessait de parler pour ne rien dire ?