Les Curieux Aînés organisent des rencontres intergénérationnelles entre des étudiantes en économie sociale et familiale et des séniors vivant dans des résidences autonomies. Sujets d’actualité et de société y sont débattus. A la Rose des Sables, en juin dernier, les congés menstruels ont suscité de vifs débats. 

Étaient Présents : 
Résidents de la Rose des Sables : Anne-Marie, Annette, Brigitte, Chantal, Jean-Louis, Odette, Renée et les animatrices du lieu Elisabeth et Gracinda. 

Étudiantes en 3ème année, BTS économie sociale et familiale du Lycée Flaubert : Brigitte, Clara, Linda, Lisa, Louane Manon, Myriam, Taïna, Valentine et leur professeure Nathalie
(Les * indiquent les interventions des étudiantes et de leur enseignante) 

Linda* : Au début de l’année, le groupe socialiste a présenté un texte en faveur du congé menstruel à l’Assemblée Nationale ; il prévoit que les femmes qui en font la demande bénéficieront d’un à deux jours d’arrêt sans carence lorsqu’elles ont leurs règles.
Une telle mesure existe depuis peu dans quelques pays d’Europe (Portugal, Espagne), mais ce sont des pays d’Asie qui se sont montrés précurseurs dans le domaine puisque le congé menstruel existe au Japon depuis1947 et en Corée du Sud depuis 1953. Il existe également en Indonésie, à Taïwan et en Zambie.  
En France, quelques entreprises etplusieurs municipalités ont déjà adopté ce dispositif de leur propre initiative et à leur charge. Le sujet des règles reste cependant un tabou : les femmes ont du mal à faire reconnaitre leur indisposition à leurs collègues masculins.

Renée : Je suis assez gênée par cette idée. D’une part, avoir ses règles n’est pas une maladie et, d’autre part, s’assurer du bien-fondé de la démarche d’une femme qui voudra bénéficier de ce congé sera compliqué. Il y aura des abus. Malheureusement, c’est la nature humaine.

Brigitte : L’endométriose est une maladie et la douleur provoquée par les règles est bien réelle. Rétrospectivement, cette mesure m’aurait bien arrangée.

Clara* : En ce qui concerne les abus, il faut avoir confiance.

Annette : Je suis d’accord. Je me suis toujours demandé si, comme on a tendance à le dire fréquemment, les gens abusent vraiment. Je n’en suis pas convaincue.

Myriam* : On a tendance à parler des profiteurs et on oublie toutes ces personnes qui bénéficient de certaines aides simplement parce qu’elles en ont besoin et qu’elles y ont droit.

Nathalie* : Si on ne tient compte que de ceux qui abusent, on ne fait rien et on ne progresse pas.

Manon* : Avec une règle d’application plus stricte, on éviterait cette polémique, mais les symptômes varient selon les femmes, il est donc difficile d’imposer un cadre unique pour cette mesure. Certaines souffrent une demi-journée, pour d’autres la douleur dure plus longtemps. En fonction des métiers, on pourrait aussi réfléchir au télétravail.

Linda* : Si un traitement existait, il n’y aurait plus de problème mais la recherche concernant les maux des femmes est moins avancée que celle concernant les hommes. Les traitements pour les troubles de l’érection par exemple ont été développés beaucoup plus rapidement. C’est assez injuste. 

Elisabeth : Toute ma vie, j’ai entendu dire qu’on ne pouvait rien contre cette douleur.

Brigitte : Quand j’étais concernée, j’ai toujours eu l’impression de ne pas être prise au sérieux. Certaines choses progressent de ce point de vue et j’en suis ravie, mais on sent bien que de nombreuses réticences subsistent.

Linda* : L’endométriose est reconnue depuis peu, en effet.

Renée : Je reste quand même très sceptique, j’ai l’impression que la société finit par tout prendre en charge même ce qui relève de fonctionnements naturels. On pourrait aussi s’interroger sur la ménopause ?

Linda* : C’est un sujet dont on commence à parler justement. 

Nathalie* : D’une manière générale, la société a toujours considéré les problèmes spécifiquement féminins comme une sorte de fatalité. La péridurale a mis du temps à se généraliser par exemple.

Myriam* : Les femmes doivent aussi assumer seules les problèmes liés à la contraception. La pilule masculine existe mais son usage reste confidentiel, elle n’est pourtant pas plus dangereuse que la pilule qu’utilise les femmes. C’est culturel, les hommes ne se sentent pas concernés, ils laissent les femmes à leurs problèmes.

Annette : La contraception a constitué un réel progrès mais son développement a longtemps été freiné pour des questions religieuses.

Gracinda : Avant que l’utilisation de la pilule se généralise, les jeunes femmes qui réussissaient à s’en procurer en redistribuaient autour d’elles comme si c’était des cigarettes. Elles étaient tellement contentes ! Cela se faisait en dehors de tout suivi et les pilules ainsi échangées n’étaient certainement pas très efficaces. 

Brigitte : Grâce à la contraception, les femmes d’aujourd’hui ont la chance de faire ce qu’elles veulent de leur corps, c’est formidable mais certaines doivent encore vivre des situations qu’elles n’ont pas souhaitées. Parfois aux Restaurants du Cœur, je vois des mères célibataires avec leurs enfants ; elles ont l’air tellement débordées. Je me demande souvent si elles ont choisi ou subi cette situation.

Renée : Je comprends bien ces problèmes mais, en même temps, la natalité baisse tellement ! Il faut faire des enfants sinon on va demander aux mamies d’en refaire !