Les annonces de fin d’abondance et de restrictions par le gouvernement donnent des idées révolutionnaires à Marie ? Et si l’appauvrissement généralisé rapprochait les riches et les pauvres ? Une utopie qui ne manque pas d’humour.
par Marie H.
Verra-t-on un jour aux frontons des édifices publics cette nouvelle devise « Sobriété, Égalité, Fraternité » ?
Vivrions-nous depuis le covid dans une ère prospère et florissante ? Difficile à croire. Quoiqu’il en soit, nos instances dirigeantes nous ont annoncé la fin de l’abondance. La sobriété obligatoire est inscrite au programme, le superflu n’est plus nécessaire et serait même nuisible.
Certes, l’été fut chaud, trop même, avec ses feux de forêts et de maquis et toutes sortes de catastrophes naturelles. Comble de malheur, malgré les remontrances européennes et le semi-blocus imposé à la Russie, la guerre se poursuit en Ukraine. Par gouvernement interposé, nous avons fièrement refusé un approvisionnement en gaz russe, sans que le tsar Poutine s’en émeuve et renonce à ses prétentions impérialistes. Bref, l’été fut chaud, l’hiver sera froid.
L’Élysée 2023 sera-t-il aussi glacial que le Versailles de 1709 où le vin gelait dans les carafes sur la table royale ? Louis XIV se souvenant, fort à propos, qu’un vain peuple survivait à l’entour, fit distribuer des fagots destinés à brûler çà et là sur les places publiques, permettant aux manants et aux gueux de se réchauffer. En sera-t-il ainsi pour nous aux prochains frimas ? Ces réunions autour de feux citoyens, dispensés par la République, seront-ils prétextes à de légitimes réjouissances ? Nous sera-t-il permis d’y rôtir châtaignes et lapins de garenne ? La fraternité, favorisée par un appauvrissement généralisé, réduira sans doute l’écart entre le riche et le pauvre. Les travailleurs pourront-ils goûter le caviar du P.D.G., celui-ci consentira-t-il à tremper sa cuillère d’argent dans le pot-au-feu sans viande des pauvres ?
Peut-on envisager un avenir d’échanges fructueux entre celui qui avait trop et celui qui n’avait pas assez ? Connaîtrons-nous, enfin, les grands soirs tant espérés par nos parents et nos grands-parents ? La lutte des classes sera-t-elle caduque, le combat cessant faute de combattants ?
Je propose que nous conservions quelques riches. En tant qu’espèce en voie d’extinction, nous devrons les garder à l’abri et en prendre soin. Pourquoi ne pas conserver ceux qui, par goût, « se serraient déjà la ceinture » ? Ils sont moins fragiles et plus aptes à survivre. Les radins impénitents qui réveillent leurs banquiers suisses à deux heures du matin, afin d’obtenir le chiffre exact de leur avoir ; les thésauriseurs féroces, adeptes du tourisme financier qui envoient leurs neveux aux îles Caïman avec des valises à triple fond ; ceux qui, inquiets de trop payer, épuisent leur conseiller fiscal et refusent pourboires et étrennes au petit personnel. En cas de grande froidure hivernale, les moins coriaces d’entre eux, pourraient être conviés à se regrouper devant les cheminées élyséennes où, par exception, brûleraient de grands feux. Simple mesure conservatoire.
Lorsque les temps deviennent difficiles, il est bon de développer une utopie salvatrice et rêver à une ère de concorde universelle. C’est la nuit qu’il est beau de croire au soleil.
I had a dream…