Vivre ensemble est toujours un thème d’actualité et particulièrement au sein d’une résidence autonomie où les résidents ont fait le choix du lien social. Comment trouver sa place dans un collectif ? Une question qui peut facilement être généralisée à l’ensemble de la société.
Revue de presse de la Résidence Trianon à Rouen.
Avec : Brigitte, Evelyne, Isabelle, Monique, Odette, Odile, Thierry, Viviane, Helena (animatrice).
Viviane : J’aime la vie collective. Je suis venue dans une résidence pour éviter la solitude liée au vieillissement. Ici, je vois du monde, on peut se retrouver ensemble pour discuter, jouer. Cet environnement ne m’empêche pas de ressentir de la solitude parfois. Dans une résidence comme la nôtre, des groupes se forment et il n’est pas toujours facile de s’y intégrer. Certaines personnes se retrouvent systématiquement ensemble l’après-midi pour jouer, il n’y a pas forcément de place pour les autres.
Odette : Ici, c’est une résidence autonomie donc chacun se prend en charge.
Viviane : Il n’empêche qu’on pourrait faire attention aux autres et s’entraider.
Héléna : Il est difficile de trouver sa place, tout le monde ne peut pas s’entendre. Certaines personnes en participant souvent aux activités prennent des habitudes et créent peut-être davantage de liens avec les autres. Il y a quelques années, un groupe de résidents se retrouvait au Jardin des Plantes qui est juste de l’autre côté de la rue pour manger une saucisse-frites à la buvette. Ce genre d’initiatives crée évidement des affinités par groupe mais provoque aussi des jalousies.
Odile : Personnellement, je suis plus indépendante, je participe volontiers aux activités mais j’aime être chez moi. On me reproche d’ailleurs parfois de ne pas être là.
Evelyne : Moi aussi, j’aime choisir avec qui je passe du temps et ne pas participer à toutes les activités. Il m’arrive d’être prise par des envies contradictoires ! Le matin par exemple, j’ai du mal à me lever et j’aimerais rester au lit, mais j’ai aussi envie de descendre dans la salle commune et voir du monde.
Thierry : Vivre ensemble, c’est se remettre en question et apprendre à tenir compte des défauts et des qualités des gens, de prendre conscience des siens aussi. Ici, j’apprends tous les jours à vivre avec les autres. Je m’efforce à faire la vaisselle ce que je détestais avant ! Plus sérieusement, j’arrive maintenant à temporiser mes réactions. Il faut dire que je suis plutôt râleur ; je râle mais ensuite ça passe. En général, je trouve que certains gagneraient à prendre un peu de temps avant de réagir.
Odile : Je garde trop pour moi ce qui me dérange, j’accumule les ressentiments et je finis par avoir envie de péter les plombs.
Viviane : Le partage des tâches est important. J’apprécie quand les gens lavent leur tasse le matin lors des cafés communs. C’est loin d’être automatique mais ce sont des petits gestes qui comptent dans un collectif. Dans l’ensemble, ce sont souvent les mêmes qui effectuent ces petites tâches.
Héléna : Dans la pratique, les résidents sont régulièrement sollicités pour exprimer leurs envies.
Evelyne : Globalement, tout le monde se sent libre de proposer des animations mais ne concrétise pas forcément ses idées.
Héléna : Le moindre projet demande un investissement qui n’est pas si simple à assumer. Par exemple, il y a une Amicale au sein de la résidence qui a bien fonctionné jusqu’à la crise du Covid, mais depuis sa gestion par les résidents est devenue moins évidente. Pourtant, cette association nous permet d’organiser de nombreuses animations très appréciées ici.
Cela dit, ce qui se passe dans la résidence se retrouve ailleurs. Dans les familles aussi de nombreux échanges tendent à se fragiliser. Avant, on mangeait ensemble, aujourd’hui l’utilisation des portables et des écrans amène chacun à s’isoler davantage même dans des moments de partage.
De plus, les familles doivent adapter leur rythme de vie à leurs obligations professionnelles ou à leurs activités. Les résidents en pâtissent aussi : la moitié d’entre eux n’a plus de liens avec sa famille et c’est en vivant au sein d’une résidence comme la nôtre qu’ils retrouvent un lien social.
Odile : Je suis la 6ème de 12 enfants mais je suis la plus âgée de ceux qui sont toujours vivants. J’ai la sensation que ma famille me laisse tomber. J’ai récemment fait une tentative pour rappeler qu’il serait bien de se voir de temps en temps et pas seulement à mon anniversaire.
Thierry : J’ai 5 petits enfants que je n’ai jamais vus.
Odile : Mes deux filles qui sont parties en vacances ne se sont pas souciées de moi.
Viviane : C’est pareil pour mes enfants qui ne se concertent pas quand ils partent pour savoir s’il y en a un qui restera disponible en cas de besoin. Cela dit, ma fille m’appelle tous les jours mais je la vois très peu.
Thierry : J’ai une tablette qui pourrait me permettre de garder le contact mais n’arrive pas à la connecter à mon portable.
Héléna : Être connecté, c’est compliqué ici. Le réseau wifi n’est pas très accessible or, expliquer le fonctionnement des équipements quand ceux-ci ne sont pas opérationnels n’est pas évident !
Viviane : C’est pour éviter que la solitude ne s’installe qu’il est important de cultiver ce sentiment d’entraide et d’ouverture. Je dis bonjour aux personnes que je croise, je m’installe dans la salle commune quand je peux. Ma porte est toujours ouverte.
Héléna : Ici, parce que les résidents vivent chez eux mais aussi ensemble, il y a une forme d’apprentissage permanent de la tolérance qui s’installe. Ce n’est pas toujours facile mais c’est important.