Les Curieux Aînés organisent des rencontres intergénérationnelles entre des étudiantes en économie sociale et familiale et des séniors vivant dans des résidences autonomies. Sujets d’actualité et de société y sont débattus. A la Rose des Sables, en juin dernier, il a été longuement question des influenceurs.
Étaient Présents :
Résidents de la Rose des Sables : Anne-Marie, Annette, Brigitte, Chantal, Jean-Louis, Odette, Renée et les animatrices du lieu Elisabeth et Gracinda.
Étudiantes en 3ème année, BTS économie sociale et familiale du Lycée Flaubert : Brigitte, Clara, Linda, Lisa, Louane Manon, Myriam, Taïna, Valentine et leur professeure Nathalie
(Les * indiquent les interventions des étudiantes et de leur enseignante)
Joyce* : Pour devenir influenceur, il suffit d’ouvrir un compte sur un réseau social comme TikTok et de poster des vidéos afin qu’un maximum de personnes les regarde régulièrement. Ces vidéos proposent souvent des séquences de la vie quotidienne de l’influenceur qui utilise principalement son téléphone pour se filmer et mettre ses publications en ligne.
Quand beaucoup de personnes suivent un influenceur, celui-ci commence à recevoir une rémunération directement payée par le réseau social mais pour cela il faut publier plusieurs vidéos par jour et attirer toujours plus d’abonnés. C’est un système qui s’auto-alimente : plus l’influenceur a de vues, plus il est connu ; plus il est connu et plus il a de vues et de revenus. Mais cela nécessite beaucoup de travail.
Louane* : Quand un influenceur est suffisamment connu et suivi, il fait des placements de produits en partenariat avec des marques. Les vidéos deviennent alors des supports promotionnels.
Le salaire moyen d’un influenceur varie de 1250 à 5200 euros mais sa situation est fragile. Il suffit que ses audiences soient mauvaises pour que ses revenus baissent.
Joyce* : Les influenceurs doivent toujours se renouveler ; de plus, il existe une grande concurrence. Un influenceur peut très vite devenir « has been ». Une fois, par erreur, une fille a avalé un écouteur pendant qu’elle se filmait, c’était un accident mais cela a fait le « buzz » et généré une grosse audience ; mais par la suite, cette fille devait filmer des séquences de plus en plus extraordinaires pour maintenir son audience. Pour obtenir du succès, il suffit d’un élément déclencheur mais la popularité d’un influenceur peut vite s’essouffler. Cette concurrence se traduit par une grande variété de profils d’influenceurs. Il y a des mamans qui filment leurs enfants toute la journée. L’une des plus connues, Kim Kardashian met en scène sa fille et lui achète des tonnes de produits.
Brigitte : Je n’aime pas trop ces mamans qui déguisent leurs petites filles pour les mettre en scène. L’enfant devient un objet publicitaire, c’est déplacé. Ces réseaux exercent une sorte de fascination qui me semble dangereuse. On leur accorde trop de pouvoir.
Joyce* : Il existe aussi des personnes âgées qui publient des vidéos avec un certain succès, notamment une dame qui est filmée par son petit-fils.
Nathalie* : On s’aperçoit que des jeunes peuvent suivre des personnes âgées. Les publics se mélangent davantage qu’on ne le pense sur les réseaux.
Joyce* : On trouve toutes sortes d’influenceurs, certains proposent des tutoriels de bricolage, de cuisine. On peut même apprendre à faire un nœud de cravate…
Annette : On trouve aussi des propositions concernant le sport et la musique ?
Nathalie* : Oui, il y a de tout. Je pense à « Hugo décrypte » qui analyse l’actualité d’une manière plus moderne et qui est bien documenté. Il y a aussi des professeurs qui partagent leurs savoirs.
Renée : Est-ce une activité reconnue ? Les influenceurs payent-ils des impôts ?
Joyce* : Oui, les revenus sont déclarés et imposables. A partir du moment où cette activité s’est développée sur les réseaux, elle a dû s’organiser de manière officielle.
Linda* : Certains influenceurs s’installent à Dubaï et contournent ainsi leurs obligations fiscales.
Annette : A-t-on suffisamment de recul pour voir comment cette activité évolue et si les influenceurs peuvent vraiment inscrire leur activité dans la durée ?
Joyce* : Cette activité a vraiment été propulsée par la crise du COVID. Beaucoup de personnes ont fui la solitude en se connectant et en suivant des influenceurs.
Pour les influenceurs eux-mêmes, ils trouvent là un moyen de bien gagner leur vie assez facilement mais, il leur faut finalement beaucoup travailler, et toujours en se renouvelant. A la fin cela devient un enfer surtout quand les audiences diminuent et que les revenus baissent.
Annette : J’ai l’impression que cela peut devenir une drogue, que l’on en veut toujours plus.
Joyce* : C’est un risque. L’idée d’interdire l’accès aux réseaux avant 15 ans et au téléphone avant 11 ans est sans doute intéressante mais des restrictions de ce type existent déjà sans qu’elles soient vraiment appliquées.
Louane* : Il est vrai que les réseaux peuvent être addictifs, personnellement j’y passe 8 heures par jour mais c’est ainsi que j’ai pu grandir et m’enrichir. On peut suivre l’actualité et faire évoluer sa façon de voir les choses.
Nathalie* : C’est exactement pareil pour ma fille que je soupçonnais de ne rien faire d’utile sur les réseaux mais en fait elle a trouvé d’autres accès pour s’instruire. Évidemment, il faut une certaine maturité pour faire le tri parmi toutes les propositions.
Renée : Nous qui sommes plus habitués à regarder la télévision, est-ce que la publicité n’est pas un genre d’influence ? Est-ce que regarder des programmes en boucle ne provoque pas le même genre d’addiction ?
Annette : Je regarde très peu la télé et j’évite les chaines qui diffusent trop de publicité, TF1 par exemple.
Elisabeth : Je trouve cela fatiguant ; et puis, avant certaines annonces étaient amusantes tandis que maintenant elles sont toutes idiotes.
Brigitte : Quand la télé est entrée dans nos salons, elle faisait peur elle aussi. Mes parents craignaient qu’elle prenne trop de place dans ma vie. Ils pensaient que j’allais me coller devant le poste et que cela me ferait rater mon bac. Je n’avais donc pas le droit de la regarder et je ne pouvais pas parler avec mes amis du lycée des programmes que je ratais ainsi mais je ne me sentais pas nulle pour autant.
Odette : Chez moi, la télé est arrivée très tard, je n’ai pas eu de soucis avec ça.
Jean-Louis : Chez moi, il y avait une vieille télé à boutons.
Louane* : Mes grands-parents passent peut-être plus de temps devant la TV que moi sur les réseaux.
Brigitte : Finalement, j’ai toujours préféré la radio.
Annette : Moi aussi.
Renée : Quand j’étais petite, mon père nous racontait des histoires, c’était très addictif !