A l’heure où les Restos du Cœur entament leur quarantième campagne d’aide alimentaire, la santé financière des associations caritatives semble de plus en plus fragile… Les dons diminuent, les subventions sont menacées. Partout, les petites dépenses sociales sont rognées. Les résidents de la résidence Trianon s’en émeuvent.
Revue de presse à la résidence autonomie du Trianon à Rouen.
Étaient présents : Alain, Christine, Daniel, Evelyne, Jean, Marie-Claude, Odette, Odile, Patrick, Pierre, Viviane et Helena, animatrice.
Odile : Les Restos du cœur commencent leur quarantième campagne. J’avais 30 ans quand Coluche a lancé ce projet auquel j’ai très vite participé ; j’ai été bénévole pendant 25 ans mais je me demande si cela a été utile.
Je me souviens qu’il y avait une bonne entente et que nous étions heureux de rendre service. Parmi les bénéficiaires, certaines personnes étaient assez spéciales et peu reconnaissantes, finalement. Il m’arrivait de demander aux gens qui venaient chercher leur sac de provisions s’ils pouvaient rester un peu pour nous aider à la distribution mais la réponse était souvent négative. « C’est à vous de le faire » !
Parfois, je me demande si le service rendu par les épiceries solidaires n’est pas plus vertueux. Les bénéficiaires peuvent y faire leurs courses comme dans une épicerie à des prix très avantageux mais il y a un contrat passé entre l’épicerie et le bénéficiaire qui s’engage à entreprendre des démarches pour faire évoluer sa situation. Il est accompagné pour cela.
Pierre : Ce que font les Restos du cœur est exemplaire mais depuis 40 ans, rien n’a été proposé pour faire diminuer la pauvreté. Au début, tout le monde a applaudi des deux mains mais les politiques n’ont pas su prendre le relai.
Aujourd’hui, davantage de personnes ont besoin d’une aide alimentaire mais la situation financière des Restos est difficile. Ils ont fait un appel aux dons dès le début de leur campagne.
Odile : Beaucoup d’associations sont en difficulté, est-ce normal que nous en soyons encore là ?
Marie-Claude : Il est anormal de devoir faire appel à la charité d’une manière aussi systématique.
Helena : Les associations organisent de plus en plus de collectes à la sortie des magasins. Il y a des associations qui préparent des sacs avec les produits dont elles ont le plus besoin. Chacun est vendu à un tarif préétabli entre 5 et 10 €. Les clients n’ont plus qu’à les prendre en passant devant les caisses. Tout est prêt. Chaque action vise à aider des personnes fragilisées par leur statut ou leur situation ; des étudiants précaires par exemples.
Toutes ces initiatives sont louables mais on ne peut pas donner à chaque fois. Je trouve que l’on se sent un peu obligé.
Odile : Intermarché fait des quêtes pour donner à manger aux animaux.
Tout cela finit par être démoralisant, d’autant que l’augmentation de la demande ne s’accompagne pas d’une meilleure utilisation de tous les biens alimentaires. On continue de jeter de la nourriture pour rien. Quel gâchis.
Récemment, nous avons mangé un couscous ensemble à la résidence. C’est très bien d’organiser ce genre de repas collectif, il n’y a rien à redire de ce côté-là mais les portions ce jour-là étaient tellement copieuses ! Il est resté beaucoup de nourriture dans les assiettes. Les produits ont été jetés sans même avoir été touchés.
Helena : Dans la résidence, tout ce qui sort de la chaîne alimentaire après le repas doit être jeté. Logiquement, les résidents n’ont même pas le droit de monter à manger chez eux. Les règles sont de plus en plus strictes.
Pierre : La pauvreté n’est pas un phénomène rationnel. Beaucoup de personnes n’entreprennent pas les démarches pour toucher le RSA alors qu’elles y auraient droit.
Et pour se soigner, c’est un peu pareil, on nous demande parfois des sommes assez élevées à payer de la main à la main. Ce n’est pas logique. Dans ces cas-là, il faut négocier même si ce n’est pas facile.
Odile : J’ai frère à qui on a demandé 400 € pour une opération. C’était davantage un dessous de table qu’un dépassement d’honoraires.
Helena : Si on va au CHU, on ne paye rien mais on attend.
Christine : Moi, à chaque consultation, je dois payer 7,50. À la fin, c’est beaucoup.
Sans compter que le gouvernement vient d’annoncer que le reste à charge pour les patients qui vont chez le médecin va augmenter.
Marie Claude : Ce qui ne coûte rien, ce sont les vaccins contre la grippe ou le Covid.
Viviane : Il y aussi des logiques un peu particulières. Par exemple quand je dois prendre une ambulance, je ne suis pas remboursée parce que je ne suis pas diabétique. Je suis remboursée à 100% car je suis en longue maladie à cause d’un problème cardiaque mais pour prendre une ambulance, je dois payer.
Helena : Les bons de transport dépendent des pathologies. Avant,on en donnait comme des bonbons mais l’heure est aux économies.
Il faut dire aussi qu’il y a eu des abus. Bien souvent, j’ai vu des gens qui étaient assez autonomes pour prendre le bus quand il s’agissait d’aller faire du shopping mais qui ne l’étaient plus pour aller à leurs rendez-vous médicaux.
Pierre : Il ne faut quand même pas oublier que nous bénéficions d’une couverture sociale qui n’existe nulle part ailleurs.
Patrick : La France est aussi le pays où le prix de vente des médicaments est le plus bas. Pour parvenir à cela, nous demandons aux laboratoires qui fabriquent ces médicaments de baisser leurs marges. Cela provoque des pénuries car nous sommes livrés en dernier. La médecine bon marché a un coût.
Christine : Quand on est pauvre, on trouve que tout est trop cher mais quand on gagne beaucoup d’argent, on se plaint de payer trop de d’impôts !
Daniel : Moi je voudrais bien payer plus d’impôts !