Et si la loi sur la fin de vie, dont Emmanuel Macron a dévoilé les contours début mars et qui doit faire l’objet d’un examen parlementaire à partir du 27 mai, était envisagée par les mots qu’on utilise pour parler de la fin ? C’est le chemin suivi par Yvonne.
par Yvonne Leménager.
Dans les débats sur la fin de vie, trois expressions m’interpellent : « le droit à mourir dans la dignité », la « fin de vie » et « l’aide (active) à mourir ».
Je n’ai jamais compris ce qui était entendu par « droit à mourir dans la dignité ». Ce droit, hautement revendiqué, me paraît en décalage complet avec la réalité, la mort étant à la fois inéluctable et imprévisible. Mourir prend une fraction de seconde. S’agit-il alors du moment de la mort, ou de l’accompagnement souvent défaillant des conditions du mourir ? Sans oublier que ce droit impactera forcément ceux qui assumeront le devoir d’assistance, ce qui n’a rien d’anodin.
Et la « dignité », où se situe-t-elle ? Nos dégradations physiques et/ou mentales nous rendent-elles indignes à nos yeux ou à ceux des autres ? Ou bien s’agit-il du traitement réservé aux mourants ?
La première hypothèse, si elle prévaut, me paraît éminemment dangereuse, ouvrant la porte à toutes les dérives. Un jeune infirmier de vingt-six ans m’a déclaré qu’il demanderait une aide à mourir, s’il se trouvait un jour soumis à trop d’incapacités : « Tout cela coûte trop cher. Il faut des locaux, du personnel. Cela mobilise trop d’argent » a-t-il insisté.
L’expression « fin de vie » remplaçant celle de « mort » me semble platement matérialiste, étroite et fausse. Elle ne tient pas compte du fait que nous sommes des êtres de relation et de transmission, « chacun marqué par chacun » selon Primo Levi. Cela s’exprime bien au-delà de notre vie physique. Sans compter que les morts nous sont parfois plus proches que bien des vivants. J’aime cette phrase de Jean-Claude Ameisen : « Nous sommes faits de mémoire, nous sommes ce qui demeure de ce qui a disparu. » Ma mère, perdue à neuf ans et demi, et mon mari, après cinquante-deux ans de mariage, restent pour moi une boussole et des points d’appui.
Enfin, « l’aide à mourir » qui a remplacé l’expression « aide active à mourir » me fait irrésistiblement penser au « Je vous ai compris » du général de Gaulle à Alger. Les tenants du développement des soins palliatifs peuvent s’y voir pris en compte, comme ceux qui militent pour l’euthanasie ou le suicide assisté. Il y a là une grande source de malentendus. Néanmoins, tous ces termes ont en commun de susciter un approfondissement de notre réflexion collective pour compléter, si vraiment nécessaire, la loi Claeys-Leonetti, dans un souci de plus grande humanité.