Qui se rend compte que l’agglomération de Rouen englobe des hameaux qui, autrefois, avaient leur rythme et leurs coutumes ? Andrée se souvient du village où elle est née, les Essarts.
par Andrée Lepetit
Je suis née à la campagne dans un petit village situé près de Rouen, appelé Les Essarts. A l’époque, pas de coquettes maisons regroupées en lotissements mais des champsremplis de coquelicots que je traversais en courant pour aller chez ma grand-mère. Les habitants étaient si peu nombreux.
Je suis née dans la maison mes grands-parents. C’était l’habitude à l’époque…Pour entourer ma mère, qui était venue de Rouen pour accoucher, il n’y a eu que la sage-femme et ma grand-mère. Celle-ci avait, m’a-t-on dit, préparé tout le nécessaire. Si bien que j’ai pu m’endormir dans un berceau avec des draps douillets. Les femmes aimeraient-elles donner naissance de cette façon, aujourd’hui ? Sans présence médicale ?
Ma mère m’emmenait régulièrement rendre visite à mes grands-parents. Nous venions en car depuis Rouen, puis nous marchions pendant quelques kilomètres pour atteindre la maison de mes grands-parents. Je revois encore mon grand-père avec ses grosses moustaches, c’était un homme simple avec un air un peu rude ; mais il était très bon. Je l’imagine encore dans son jardin, travaillant pendant de longues heures et moi, le regardant attentivement.
Ma grand-mère était une petite femme menue mais dynamique. Je la revois préparant un pot au feu et je sens encore cette délicieuse odeur du repas à venir. Le soir, nous dinions éclairés par une lampe à pétrole qui plongeait la pièce dans une ambiance un peu étrange et envoutante. Il n’y avait pas de jeux pour les enfants mais j’avais fait la connaissance d’une petite fille qui habitait la maison voisine et j’appréciais beaucoup sa compagnie.
On m’envoyait chercher le lait à la ferme d’à côté, munie de mon broc. J’appréhendais cette mission, car il y avait de nombreuses oies dans la cour de la ferme qui me poursuivaient.
La maison de mes grands-parents était assez vieille mais ils y vivaient bien. Par contre, peu de commodités à cette époque. Les toilettes, une petite cabane en bois, se situaient dans un coin de la cour. Pas de chasse d’eau ! J’apprécie d’autant plus le confort d’aujourd’hui. Bravo pour le progrès !
Ma grand-mère ne ratait pas les jours de marché sur la commune de Grand Couronne. Pour nous y rendre, nous devions traverser une grande forêt. La marche était longue mais elle m’offrait des bonbons ou un petit cadeau en guise de récompense.
Le hameau de mon enfance n’existe plus aujourd’hui. Il a été avalé par l’agglomération de la ville de Rouen. Adieu la nature et les champs. Il reste les souvenirs.