Tandis qu’on commémore les 80 ans de la libération de la Normandie et de Paris, Françoise évoque une page méconnue de l’histoire de la guerre : celle qui concerne les enfants nés de relations consenties entre des Françaises et des Allemands. 

Par Françoise Samson

Le 6 juin 2024, c’était les 80 ans du D-Day. Un hommage à la Libération par les alliés contre les Allemands. Mais la présence des Allemands sur le territoire français durant les quatre ans d’Occupation ne s’est pas évaporée le 6 juin 1944. Ce ne sont pas les milliers d’enfants nés en France d’un père allemand qui diront le contraire. Des milliers ? 4000 en Seine-Inférieure et 300’000 dans la France entière, selon les chiffres apportés par Dominique Samson, secrétaire de l’Amicale nationale des enfants de la guerre (ANEG). 

« Bien que les consignes allemandes aient condamné les relations non aryennes, qui pouvait interdire à un homme et une femme de s’aimer, même si l’homme était un ennemi ? » rappelle-t-il, en évoquant le quasi baby-boom que ces amours clandestines ont généré : 1 enfant sur 10. « Ces rapprochements entre Allemands et Françaises étaient quasiment inévitables, car les Allemands étaient partout et contrôlaient tout. 

755 000 personnes dont des femmes étaient employées par les Allemands en France ».

Sans oublier que les soldats allemands étaient logés chez l’habitant, autrement dit chez des Français. 

Par ailleurs, beaucoup de Françaises ont souffert de solitude durant la guerre : les hommes étant souvent prisonniers en Allemagne. Pas étonnant que certaines, surtout des jeunes filles soient tombées amoureuses de l’occupant. 

Comme à l’époque la contraception n’existait pas, que l’avortement était passible de la peine de mort, et que la loi sur l’accouchement sous X était possible depuis 1941, les grossesses « indésirables » ont été menées à terme. 

Les enfants nés de ces couples mixtes n’ont pas été bien accueillis. Certains ont utilisé pour les désigner l’expression « les enfants de boches », (titre d’un documentaire de Christophe Weber et Olivier Truc, datant de 2003) ou « les enfants maudits » (titre du livre de Jean Paul Picaper et de Ludwig Norz, paru en 2004). Ces derniers ont recueilli le témoignage de plusieurs d’entre eux, ayant cherché leur père après la guerre. En recourant aux services d’information des Archives de la Wehrmacht à Berlin, la WAST, certains ont trouvé leur famille allemande. En 2005, l’idée de créer une Amicale a été lancée à la fin de cette visite. La première réunion s’est tenue à La Rochelle le 18 juin de cette même année. 

Marie-Cécile, documentaliste à la WAST est devenue l’aide et la confidente des « enfants maudits ». Ses recherches ont permis à plusieurs membres de l’Amicale de retrouver la trace de leur père et de fréquenter leur famille Outre-Rhin.

Dominique Samson est l’un des plus jeunes de cette bande car il est fils d’un prisonnier resté en France après 1944. C’est à 8 ans, qu’il a appris qu’il était fils d’un Allemand et que sa mère l’avait placé à la Dass, car elle s’était trouvée dans l’incapacité de l’élever. Il a été recueilli par une gentille famille d’accueil à l’âge de18 mois. 

Il a intégré l’Amicale suite à un avis de recherche paru dans le journal local lancé par Janine, une enfant de la guerre. Il a lui aussi bénéficié de l’aide de Marie-Cécile de la WAST qui a réussi à localiser son oncle, jeune frère de son père Eric dont il porte le prénom en deuxième. Ils ont échangé courrier et photos puis plus rien. Il est certainement décédé.

L’ANEG organise régulièrement des rencontres régionales : réunions studieuses et festives dans une ambiance amicale et même familiale. Des assemblées générales se tiennent chaque année en France ou en Allemagne, permettant des retrouvailles sur 4 jours.

En 2006, la première AG a eu lieu à Caen, une visite du Mémorial de la paix était au programme. 

En 2024, la 18e assemblée générale s’est tenue à Amboise. Pour les enfants de la guerre l’ANEG est une deuxième famille.      

Pour en savoir plus sur ces enfants, le livre de Laurent Guillet, recueil d’une quinzaine de témoignages illustrés de photos, des Fleurs sur les cailloux (éditions Laurent Guillet) est très instructif et passionnant.