L’organisation des fêtes de Noël révèle l’évolution des rapports entre parents et enfants au sein de la famille. Notre dernière revue de presse de l’année 2024 nous a permis de partager l’expérience de Marie-Christine, Paulette et Yvonne.

Revue de presse à la Maison des Aînés de Rouen. 
Étaient présentes : Marie-Christine, Paulette et Yvonne.

Yvonne : Je vis à Rouen. Mon mari était normand et nous avions choisi de nous installer ici pour n’être pas trop loin de Paris et de ma famille. Je pouvais ainsi prendre le train et aller voir mes enfants facilement.
Ma situation a bien changé avec la disparition de mon mari et le départ d’une grande partie de mes enfants à Lyon. La solitude et le vieillissement me fragilisent de plus en plus.  
A présent, quand je me déplace, mes enfants s’inquiètent pour moi. Ils veulent me protéger, même si je suis tout à fait capable de m’organiser par moi-même et de prendre le train toute seule mais ils ont peur. 
Pour Noël, c’est pareil, ils préparent mon voyage à ma place et cela m’agace même si je sens beaucoup d’affection de leur part. Cette année, j’ai quand même insisté pour les rejoindre quelques jours avant les fêtes pour participer aux achats ; j’adore ça.

Marie-Christine : C’est très important de rester autonome.

Paulette : Il est vrai que l’organisation des voyages s’est complexifiée. Rien que pour acheter son billet de train, il faut être connecté. Et pour accéder aux quais, gare Saint-Lazare, il faut présenter un QR code. Ces changements sont assez perturbants. 

Marie-Christine : J’ai une amie qui va fêter Noël avec son conjoint en Bretagne pour y rejoindre sa sœur. Ils partent en voiture et passent par l’autoroute. Mais là aussi tout change ! On ne s’arrête plus aux péages pour payer, il faut le faire sur internet ou en se rendant dans un bureau de tabac, sinon on reçoit une amende de 10 euros au bout de quelques jours ! Mais dans la campagne où habite la sœur de mon amie, il n’y pas de bureau de tabac.

Paulette : Avec l’âge, je suis plus inquiète, plus émotive et j’ai plus de mal à m’adapter ; c’est pour cela que j’apprécie quand mon fils vient me chercher pour m’emmener à Paris voir ses deux frères. Je me retrouve à dépendre de lui mais comme il fait les choses avec gentillesse, j’accepte plus facilement cette situation. 

Marie-Christine : Il faut reconnaitre qu’il nous arrive plus souvent de devoir dépendre de quelqu’un. Du reste, je trouve cela assez énervant. Je compte bien continuer à faire ce que j’ai toujours fait. Je n’ai que 72 ans et je reste très active, même si je deviens plus lente. Je devine les reproches que l’on m’adresse à ce sujet. J’ai aussi perdu certaines motivations après le décès de mon conjoint. Cela incite ma fille, qui a un fort caractère, à imposer davantage sa volonté. Avant, je me considérais comme un parent pour mon enfant ; maintenant, je n’ai plus l’impression d’être la mère de ma fille. Il y a une bascule, j’ai perdu une partie de mon statut social.

Paulette : Ce n’est pas évident. Il y a une juste mesure à trouver. En vieillissant, nous avons besoin de plus d’attention, mais ce n’est pas une raison pour tout décider à notre place. Moi, je suis plutôt timide, alors je parle peu, j’ai toujours été comme ça. J’attends que mes enfants me suggèrent ce qu’il faut faire. 

Yvonne : Nous vivons une étape difficile à accepter. Mes enfants essayent de me protéger. Ils me téléphonent à tour de rôle, ils se posent des questions concernant mon organisation de vie. Ils voudraient que je déménage, mais je suis bien chez moi ! Je vis dans l’appartement que j’ai choisi avec mon mari et je souhaite y rester. 
Ils craignent aussi que je ne les prévienne pas si je suis malade, ils ont tout à fait raison d’ailleurs ! Pour résumer, ils se sentent responsables de moi.

Marie-Christine : Les enfants ne se rendent pas toujours compte qu’ils peuvent-être directifs, mais ce n’est pas nouveau. Je me souviens de ma grand-mère qui aimait s’assoir sur un banc pas très loin de chez elle pour regarder passer les voitures. C’était une véritable distraction. Un jour, mon père la vue et n’a pas compris ce qu’elle faisait là, toute seule, au bord de la route. Trouvant que c’était dangereux, il l’a ramenée d’autorité chez elle. Par la suite, elle n’a plus osé retourner sur son banc. 
J’ai l’impression que l’on voit toujours du danger partout pour les personnes âgées comme si tout nous menaçait. J’ai assisté à des réunions de prévention des risques, mais je les trouve assez déprimantes. A en croire les animateurs, il faudrait faire attention à tout, se méfier de tout. Je n’y retournerai pas. 
Ce qui me gêne le plus, c’est le peu de confiance qu’on nous accorde, on nous réduit à notre âge. On décide à notre place. A Noël, c’est ma fille qui prévoit le menu, mais c’est moi qui ferai les courses, j’aime cela, tandis qu’elle déteste courir les magasins. Je passerai Noël avec elle et mes petits-enfants.

Paulette : Moi, je vais passer le réveillon avec mes trois fils : je n’aurai rien décidé mais je cela me fait plaisir quand même. Chez moi, j’ai mis des décorations de Noël, mon fils y est sensible quand il passe me voir.

Yvonne : Moi aussi, j’ai installé ma crèche et des décorations. Je ressors les dessins des petits-enfants ; tous ne sont pas magnifiques, mais ils sont importants. 
Comme chaque année, je passerai le réveillon du côté de Lyon dans le petit village où habite ma fille. Nous irons à la messe de minuit dans la chapelle du village où l’ambiance est bonne. Auparavant, j’aurai été faire les courses avec eux, car j’adore les accompagner : on discute, c’est joyeux. Et quand je reviendrai, je serai très fatiguée.