Le gouvernement n’a toujours pas pris de décision sur la fin de vie. Pourra-t-on bientôt bénéficier d’une aide à mourir ou pas ? En attendant, Thésy rappelle l’importance des soins palliatifs.
Par Thésy Bionnier
Beaucoup l’attendent avec impatience, la loi sur la fin de vie médicalement assistée. Mais une fois encore, elle a été repoussée. Le gouvernement semble vouloir cependant qu’elle aboutisse dans le cours de l’année 2024. En janvier, Catherine Vautrin, nouvelle ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités a déclaré (avant que la santé ne soit déléguée au ministre Frédéric Valletoux) « qu’elle n’avait pas de difficulté personnelle à aborder le sujet » qu’elle a résumé en ces termes – aide active à mourir – mais que, « l’on doit légiférer d’une main tremblante sur un sujet aussi important ». Notre Président semble l’avoir entendue, précisant que le texte sur la fin de vie, aussi attendu que sensible, ne serait présenté qu’après le déploiement d’un plan décennal sur les soins palliatifs.
Personnellement, j’ai toujours défendu la nécessité de développer les soins palliatifs avant ou en même temps que la loi sur l’aide active à mourir. Car, comme j’ai pu l’observer, sauf dans des cas bien précis, on ne demande à mourir que lorsque l’on souffre médicalement ou psychiquement.
Lorsque j’avais des responsabilités dans un établissement de long séjour médicalisé, accueillant des personnes de 85 ans en moyenne, je suis allée en Angleterre pour visiter un centre de soins palliatifs que les Anglais, qui sont beaucoup plus en avance que nous sur ce sujet, appellent hospice. Le Roi Charles lll vient d’ailleurs d’inaugurer un nouveau centre.
A mon arrivée dans le centre, j’ai été frappée par l’ambiance, le calme, la sérénité qui y régnait. Il y avait environ une quarantaine de malades qui vaquaient à différentes occupations : jeux, peinture, préparation du thé etc. Le directeur qui me présentait le centre m’a expliqué : « Dans 15 jours, beaucoup de ces personnes seront décédés, mais ils ont l’esprit tranquille ; leurs préoccupations et dispositions personnelles sont réglées et ils ne souffrent pas. Nous prenons aussi en charge leur famille et les réconfortons le mieux possible ».
Dès mon retour dans mon établissement, j’ai fait appel à une professionnelle en soins palliatifs et pour lui demander d’organiser une formation pour l’ensemble du personnel. Mon souci était de permettre à nos résidents de vivre dans notre établissement jusqu’au bout, et de ne pas avoir à les expédier dans un centre de soins palliatifs spécialisé, faute de savoir-faire. Le personnel a tout de suite adhéré à mon idée, cela a été plus difficile pour les médecins mais je n’ai pas lâché.
Un jour, nous avons accueilli une patiente qui venait d’une clinique gériatrique et que l’on nous avait présentée comme très difficile en nous suppliant de l’accepter. Certes, la prise en charge de cette dame était lourde. Grabataire, elle ne pouvait plus accomplir aucun geste de la vie normale : se lever, manger seule, souffrant dès qu’on la touchait etc. Notre première décision la concernant a été d’acheter un lit avec un matelas d’eau chauffant, ce qui a réduit ses douleurs permanentes. Les médecins ont fait appel à un médecin spécialiste de l’anti-douleur pour trouver les bons médicaments. Quant au personnel, il a intégré que pour faire la toilette de cette dame, l’habiller car elle souffrait d’être toujours en chemise de nuit et faire son lit, il fallait compter une à deux heures, chaque matin. Pour éviter leur démotivation, on a établi un roulement d’équipe. Ainsi, malgré son état, cette dame n’a jamais réclamé de mourir. Lorsqu’il y avait des animations, ce qui arrivait souvent, elle me m’implorait même : « Surtout, ne m’oubliez pas ». Et nous la transportions sur son brancard.
Un autre malade, sans aucune famille ni visite, a été pris en charge par le personnel d’une manière particulièrement délicate : la veille de sa mort, il lui a passé sa musique préférée et l’a entourée le plus possible. J’aurais bien d’autres exemples qui montrent combien les soins palliatifs ont permis que la fin de vie de personnes très malade soit paisible. Je suis donc convaincue de la nécessité de développer cette approche de la fin de vie. Je reconnais que mon établissement a été privilégié sur le plan du personnel, qui était qualifié et formé spécifiquement pour le soin aux personnes âgées, et que les EHPAD sont en manque de personnel. Mais j’espère que notre gouvernement s’emparera du sujet de la fin de vie en tenant compte de l’importance des soins palliatifs.