Le ciel est bleu, quelques légers nuages, un peu de chaleur.
Je me décide à sortir en centre-ville, c’est ma première promenade urbaine masquée. J’aurais préféré aller au carnaval de Venise. Pas de gondole ! Je monte dans le bus de mon quartier, je découvre l’unique entrée au milieu, l’antre du chauffeur protégée par des rubans adhésifs ; on se croirait sur une scène de crime.
Attention ! Interdiction de s’asseoir sur certains sièges pour se tenir à au moins un mètre des voyageurs.
Je descends, il fait 25 ° et j’ai du mal à respirer sous mon masque de tissus qui me colle au nez. Je tiens le coup et sillonne le centre-ville.
Une majorité de masques mais les distances ne sont pas toujours respectées.
Rue des Carmes, une file de jeunes femmes devant un magasin de vêtements. Impression de voir ma mère et mes tantes espérant un éventuel approvisionnement avec leurs tickets d’alimentation pendant la seconde guerre mondiale ! Le manque d’oxygène m’aurait-il provoqué des hallucinations ?
Ces jeunes femmes qui s’agglutinent me surprennent : prendre le risque de se contaminer pour l’achat d’une jupette. L’envie d’être belle pour honorer le printemps ?
J’entre dans un commerce sympa avec de bons produits et j’achète quelques bricoles.
Les consignes de distanciation sociale sont respectées et le vendeur m’offre même une boite de biscuits.
Pour le retour, je grimpe dans un bus ; je m’assieds près de la porte ; une dame de ma génération, peut-être plus jeune, me demande la place que je lui cède.
Surprise ! Elle m’a rajeunie grâce à mon masque et mon bob fleuri.
Elle n’a pas vu mes rides et mes cheveux poivre et sel.
Je pense : « Quel avantage ce masque, plus besoin de maquillage et vous paraissez plus jeune ! ». Quel privilège pour nous les séniores !
J’attends à l’abri bus en face de la sandwicherie fermée depuis le confinement. Des pigeons trottinent en dodelinant de la tête et recherchant désespérément quelques miettes absentes depuis deux mois.
C’était ma première sortie urbaine…
Françoise S. le 20 mai 2020.