Le cyclone qui vient de dévaster l’ile de Mayotte a mis en évidence l’extrême pauvreté qui sévit dans ce département français. Comment peut-on apporter des réponses à la pauvreté, la plus lointaine comme celle que l’on rencontre dans nos quartiers ?
Revue de presse à l’EHPAD Saint-Joseph de Sotteville-lès-Rouen.
Étaient présents : Arlette, Claude, Christiane, Francine, Jeannine, Mireille, Renée, Rolande, Rosa ainsi que Régine, animatrice et Nylson, stagiaire.
Mireille : Mon petit-fils vit à Mayotte. Je n’ai pas pu avoir de ses nouvelles avant plusieurs jours et c’est finalement lui qui a réussi à me téléphoner rapidement mais cela était suffisant pour me rassurer. Il a été plutôt épargné par le cyclone qui vient de frapper l’ile mais certains de ses proches ont subi des dommages très importants. Il va falloir tout reconstruire en espérant que les nouvelles habitations seront plus solides.
Renée : Il faudra donner suffisamment de moyens au territoire mais j’ai des doutes. Pour l’instant nous sommes dans l’émotion mais plus tard, je ne sais pas comment la situation évoluera. Comment répartira-t-on les aides et pendant combien de temps ? Les plus malheureux sont ceux qui vivent dans des baraquements. Ceux-là sont ceux qui souffrent le plus et qui auront besoin des soutiens les plus importants.
Arlette : Les gens qui n’avaient pas grand-chose ont quand même tout perdu et pour eux la situation est terrible, ils doivent repartir de zéro. Certaines personnes ont du mal à comprendre que des gens restent vivre dans des endroits insalubres au milieu de régions à risque ; mais ce n’est pas facile de quitter l’endroit où l’on a toujours vécu et où l’on a des attaches affectives. On aime quelqu’un et on reste avec malgré les risques. Être noir ou blanc, de Mayotte ou d’ailleurs, importe peu.
Nous, nous jouissons d’un certain confort. Nos assiettes sont toujours remplies de bonnes choses, tandis que d’autres se retrouvent avec des assiettes vides. Ça fait mal au cœur. C’est insupportable. C’est peut-être pour se protéger de cette réalité que l’on parle si peu de la misère en temps ordinaire.
Francine : Les conditions de vie des habitants les plus pauvres étaient connues depuis longtemps. Mon médecin traitant allait à Mayotte tous les ans pour s’occuper des pauvres. C’était important pour lui. Quand il revenait, il disait que les conditions de vie dans les bidonvilles étaient honteuses. Ils parlaient d’enfants qui n’avaient rien à se mettre et qui mangeaient ce qu’ils pouvaient le plus souvent à même le sol.
Rolande : Il faut des drames pour aborder le sujet mais je préférerais qu’on parle aussi de la pauvreté qui sévit en France métropolitaine.
Mireille : Des bidonvilles on en retrouve partout dans le monde. Je me souviens en avoir vu en Hongrie. Je pense aussi que, dans nos pays, il est plus facile de faire face à la pauvreté et que certains ne font pas assez d’efforts pour s’en sortir.
Claude : C’est étrange de penser que des personnes refusent d’être aidées, mais je ne suis pas sûr que cela prouve leur mauvaise volonté. Je crois plutôt que le soutient qu’on leur apporte ne correspond pas à leurs attentes et que parfois, elles voudraient simplement pouvoir se faire plaisir sans être jugées pour autant. Un jour, ma femme a vu un pauvre regarder par la vitrine d’une boulangerie, il semblait très attiré par ce qu’il voyait et elle lui elle a acheté deux ou trois choses à manger ; il a tout refusé. Il aurait sans doute préféré de l’argent pour s’acheter à boire ou un paquet de cigarettes.
Arlette : Est-ce que c’est grave si les gens veulent prendre un peu de plaisir ? Chez nous on était beaucoup et on avait des envies auxquelles ma mère ne pouvait pas répondre. Cela créait des désirs qui n’étaient pas assouvis.
Je pense aussi que les gens qui manquent de tout peuvent être mal à l’aise à l’idée de dépendre des autres. Pour elles, l’aide qui leur est proposée est parfois humiliante. Elles peuvent aussi ressentir de la colère en voyant tout ce que l’on gaspille par ailleurs.
Mireille : Il y a aussi des personnes qui gèrent mal leur quotidien et dépensent plus qu’elles ne gagnent. Deux personnes peuvent se retrouver dans la même situation et ne pas rencontrer les mêmes difficultés. Quand je travaillais, j’étais toute seule avec ma fille et je me débrouillais plutôt bien ; j’avais une collègue qui était dans la même situation et qui n’arrivait pas à finir le mois. Elle dépensait trop et devait toujours demander des acomptes sur sa paye. J’essayais de lui en parler mais rien n’y faisait.
Régine : Quand on décide d’aider quelqu’un, on met sa fragilité en avant. C’est peut-être cela qui provoque de la gêne et parfois des rejets.
Christiane : On ne connait pas l’histoire des gens. Il faut aller à leur rencontre pour les comprendre et voir ce que l’on peut faire pour leur venir en aide. Mon père et mon frère ont été élus de quartier au Havre ; avec eux j’allais sonner aux portes des appartements dans les immeubles pour discuter avec les habitants. Certains avaient des problèmes, d’autres non mais nous leur demandions de quoi ils avaient besoin et ce que l’on pouvait améliorer dans le quartier. C’est ainsi que l’on découvrait des situations de pauvreté. Cela nous permettait d’accompagner des personnes dans leurs démarches. On leur proposait aussi des sorties, on les emmenait passer la journée quelque part. On faisait aussi appel à la solidarité afin d’aider les plus démunis. Tout cela était utile.
Arlette : J’ai fait partie d’une épicerie sociale pendant dix ans. On apprenait aux gens à bien gérer leur argent, on les guidait dans leurs dépenses. On essayait aussi d’aider les gamins pour qu’ils aient à manger. Cette épicerie offrait vraiment une respiration aux familles et les gamins étaient contents.