Thésy revisite le village de son enfance dans la Mayenne et les souvenirs refluent. Mais où sont passés les enfants qui jouaient dans les rues et chassaient le hanneton ?
Par Thésy Bionnier
Durant les vacances, je suis passée dans le village de mon enfance situé dans la Mayenne. Tout d’abord, j’ai reconnu mon village : la grande église au milieu du village, la maison de ma grand-mère, celle de mon père, l’école des garçons devenue mixte, le vieux lavoir, la grande croix à la sortie du village. Mais je n’ai pas retrouvé les quatre cafés où se réunissaient les villageois, surtout à la sortie de la messe, les trois épiceries, les deux magasins de nouveautés, le grand garage où officiait mon oncle, le maréchal ferrant, l’école privée des filles où j’ai fait ma scolarité élémentaire ( il faut savoir qu’à cette époque les filles allaient à l’école du « curé » et les garçons à l’école laïque, ce qui donnait lieu à une compétition aux meilleurs résultats ) ? La boulangerie est le seul magasin de proximité à avoir survécu.
Ce qui m’a le plus frappé, c’est le silence : personne dans les rues, aucun cri d’enfants : étaient-ils tous sur leur tablette ou devant le poste de télévision ? Dans les années 1945-1950, entre mes 5 et 10 ans, l’ambiance des soirées d’été était toute autre. Pour profiter de la fraîcheur vespérale, car les journées pouvaient être très chaudes aussi à cette époque, ma grand-mère et moi prenions le dîner – un bol de lait avec du pain dedans – sur le pas de la porte. Que c’était frais, que c’était bon ! C’est également, sur ce pas de porte que j’ai appris à tricoter : à 5 ans, j’étais fière de réaliser des gants de toilette en coton. Les adultes bavardaient entre voisins pendant que nous, les enfants, filions jouer à cache-cache jusqu’à la nuit tombée, passant d’une maison à l’autre. Nous partions aussi à la chasse aux hannetons.
Ce qui était très différent d’aujourd’hui pour les enfants, c’est la grande liberté dont nous disposions. Les parents ne redoutaient pas les mauvaises rencontres et nous pouvions – une fois finies les corvées et les devoirs scolaires – disparaître tout un après-midi. Nous partions retrouver nos copains, ceux des fermes en particulier et organisions des jeux dans les granges, au milieu des bottes de foin. Nous étions chez « nous » partout. Les adultes se sentaient responsables de tous les enfants du village, toujours prêts à nous aider en cas de besoin mais aussi à nous réprimander si nécessaire. Nous rentrions à la maison juste pour l’heure du dîner. Nous organisions des jeux très élaborés : courses à pied avec récompense à l’appui, jeux de cirque, jeux de guerre aussi et les filles étaient les infirmières. Selon les saisons, les jeudis étaient aussi occupés par les cueillettes : fraises des bois, châtaignes, noisettes etc. Ce n’était ni un jeu, ni une corvée, mais un grand après-midi de liberté dans la nature. S’il arrivait que, nous les filles, nous nous ennuyions, nous rejoignions l’école car nous savions que nos institutrices sauraient nous occuper : jeux, tricot, couture. Elles étaient formidables, toujours disponibles pour nous. Je leur dois beaucoup car ce sont elles qui ont convaincu mon père de me faire faire des études et de m’envoyer en pension dès le collège.
Voici quelques souvenirs d’une vie de village en été, sans tablette et sans smartphone !