Dans le cadre des rendez-vous confinés virtuels de Rouen-seniors, Françoise a participé à une conférence sur sa ville. Elle en a découvert de nouvelles facettes. Saviez-vous qu’à l’époque gauloise Rouen s’appelait Ratumacos ?
Par Françoise S.
Rouen, ville d’accueil de migrants : c’est ce que nous apprend l’histoire de la ville depuis l’Antiquité.
Et cela pourrait perdurer. La faute à l’instabilité économique et sociale dans certains pays, aux guerres et à dérégulation climatique.
Rotomagus pour les Romains
A l’époque gauloise Rouen s’appelait Ratumacos. Elle fut rebaptisée Rotomagus (magus=marché) par les Romains, qui occupèrent la ville après la défaite d’Alesia, en 52 avant J-C. Elle ressemblait alors à un modeste rectangle situé sur la rive droite entre les rues Massacre, Louis VIII, de la République et du général Leclerc.
Une jolie fontaine place de la Pucelle nous rappelle leur présence ainsi qu’un mur de rempart rue des Fossés Louis VIII.
Rollon, le seigneur viking
Au 7e et 8e siècle, Rouen fut envahie par les Vikings, venus de Scandinavie. Rollon, seigneur viking, fut baptisé à la cathédrale de Rouen (où repose son cœur toujours) et il devint le premier duc de Normandie : il se fit bâtir un château, dit le château de Raoul, à l’emplacement de l’église Saint-Pierre du Chatel au sud-ouest du Gros-Horloge. Sa statue se dresse encore dans le jardin de l’Hôtel de ville.
Présence anglaise
De 1337 à 1453 : guerre de cent ans. Et en 1431, crémation de Jeanne d’Arc place du Vieux Marché. Les Anglais sont très présents dans la ville, notamment dans les commerces.
En 1419, Henry V, roi d’Angleterre fit bâtir une forteresse royale en bordure de Seine au niveau du bas de la rue du Vieux Palais. Elle a été détruite à la Révolution.
Bribes du nouveau monde
C’est de Rouen que partit Jean de Verrazane, un explorateur florentin au service de François 1er. Né en 1485 et décédé en 1528 aux Antilles, c’est lui qui a découvert la baie d’Hudson qu’il appela la baie d’Angoulème où se situe aujourd’hui la ville de New-York. Le pont Flaubert a failli porter le nom de cet explorateur.
En 1550, une magnifique fête brésilienne, digne du Puy du Fou, eut lieu sur la rive-gauche et sur la Seine en l’honneur de la venue d’Henri II et de Catherine de Médicis et leur cortège royal.
Pour l’occasion, un village brésilien fut reconstitué avec des Indiens Tupinambas : forêt d’arbres rouges, huttes, singes et perroquets. Depuis l’ancien pont Mathilde les spectateurs purent découvrir une partie du Nouveau Monde.
Montaigne a rencontré des indiens deux fois à Rouen.
Au Musée des Antiquités, deux superbes bas reliefs nous rappellent l’importation du bois du Brésil (Pernambouc) pour la teinture rouge des tissus rouennais.
Un peu d’Europe
Au 15e et 16e siècles des Italiens, des Espagnols et des Portugais débarquèrent à Rouen.
Il existait d’ailleurs une rue des Espagnols, qui fut incendiée en 1940.
Beaucoup de noms de rues nous rappellent ces migrations : rue de Lisbonne, rue de florence, etc.
Le logis des Caradas, magnifique bâtisse à colombages du 15e située rue de la Savonnerie, au centre-ville, appartenait à une riche famille de négociants espagnols. Elle fut détruite pendant les bombardements de 1940.
Entre 1563 et 1673, 773 filles normandes (dont 62 de Rouen et sa région) de 14 à 20 ans (beaucoup d’orphelines) appelées filles du Roy, furent envoyées de Rouen en Louisiane ou Nouvelle France pour fonder une famille et coloniser le territoire.
Une plaque rappelant cet évènement se trouve sur un mur du CHU de Rouen, rue de Germont.
La statue de la Liberté créée par Bartholdi , avec armature en fer de Eiffel venant de Paris, a fait escale à Rouen en 1885. 70 wagons contenant des morceaux de la statue partirent de la gare Saint-Sever puis le contenu vogua sur la frégate Isere en direction de New-York.
Commerce triangulaire
Si Rouen n’a pas pratiqué directement la traite négrière, elle favorisa le commerce triangulaire pendant le siècle des Lumières. En1753, le tiers des navires qui partaient pour les Antilles appartenait à des Rouennais. Sous Louis XVI, il existait un dépôt de « Noirs » dans une conciergerie du Palais de Justice. Migrants forcés, ils étaient destinés soit à la domesticité des armateurs, soit à l’exploitation des colonies.
Les textiles rouennais dits « indiennes » ou pacotille servaient à l’achat de ces esclaves.
Après la Révolution, des Rouennais se sont insurgés contre ces méthodes alors qu’elles ont perduré dans la ville du Havre.
Au 19e siècle, les Rouennais font du commerce avec le Sénégal : importation de gomme dite gomme arabique, utilisée pour le textile ; exportation des tissus rouennais. Ces échanges commerciaux ont favorisé l’installation de Sénégalais à Rouen.
Village africain
Lors de l’exposition universelle de 1896 à Rouen, un village africain avec des Soudanais et des Sénégalais a été reconstitué sur le Champ de Mars : une sorte de zoo humain qui choqua seulement quelques visiteurs.
Américains et indiens
En juin 1905, présence d’américains et d’indiens de différentes tribus au Champ de Mars. Spectacle avec Buffalo Bill qui fit découvir la vie des pionniers au 19ème siècle, avec chevaux, bagarres, chasse de bisons, et attaques de diligences.
Après les deux guerres mondiales, la France a eu besoin de main d’œuvre que nous avons fait venir des pays du Maghreb pour construire nos routes, nos immeubles et nos automobiles.
Après ce bref rappel de l’histoire de Rouen, posons-nous la question : ne serions-nous pas, nous les habitants de cette ville, issus de toutes ces populations migrantes depuis l’Antiquité ? Qui peut jurer de sa généalogie ? Alors gardons le sens de l’hospitalité et restons positifs